Les critiques de film telles que je les conçois se doivent au moment de juger un film d'examiner son ambition. Je me permet donc d'être sévère avec Spectre, de même que je l'ai été avec Skyfall. Car s'il est indéniable que j'ai globalement passé un moment correct devant ce James Bond, ma séance de visionnage a été parcourue par moult pouffements de rire et levers de yeux au ciel.


Détaillons, et tâchons de parler cinéma.


Vous en avez sans doute entendu parler, ou vous l'avez sûrement remarqué si vous l'avez vu, le film s'ouvre sur un très beau plan-séquence, maîtrisé, rigoureux, fluide et impressionnant, se déroulant dans l'agitation du Dia de los Muertos au Mexique, et qui assoit l'ambition esthétique de Sam Mendes. Superbe photographie, gestion de la lumière travaillée et décors de rêve hautement photogéniques sont bien au rendez-vous.


Malheureusement, ceux-ci sont au service d'un scénario assez convenu, dépassé par une symbolique fort lourde, et des acteurs qui n'y sont pas.


Le scénario est en effet assez peu surprenant, et n'est pas parvenu à m'impliquer émotionnellement. La quête de James Bond est d'une linéarité désespérante : d'une personne ou lieu A, un indice sorti de nulle part le mène à B, B étant de préférence à l'autre bout de la planète par rapport à A (ce qui est l'occasion de revisiter Au Service Secret de sa Majesté par exemple). Le climax se révèle quant à lui assez plat.


On notera l'influence de Nolan sur le scénario. Dans Skyfall, l'île abandonnée de Javier Bardem ressemblait furieusement aux Limbes d'Inception et ce même Javier se laissait enfermer à dessein par le héros, tel le Joker. Ici Christopher Waltz propose à Bond le même dilemme femme aimée dans bâtiment sur le point d'exploser présent dans The Dark Knight, et semble animé des mêmes pulsions de mort que son homologue. Il s'agirait de se couper du modèle en un momento dado.


Je parlais précédemment de symbolique fort lourde. Le générique du début annonce la couleur : on y voit un moment la silhouette de Waltz animée de tentacules de pieuvre, au cas où vous n'auriez vraiment pas compris que l'organisation Spectre était omniprésente. Cette petite lourdeur anodine en annonce en fait une autre concernant le personnage de Christopher Waltz, Franz Oberhauser, qui souffre d'un problème d'icônisation. Lors de la première apparition du personnage à Rome, il est présenté comme le tout-puissant et mystérieux leader du Spectre, n'ayant qu'à murmurer pour tuer, aussi cruel qu'omniscient. La suite des apparitions de Franz Oberhauser se révèlent alors décevantes. L'icônisation amorcée tombe à plat. De la puissance de Spectre, plus grande organisation criminelle mondiale, dont on nous a fait miroiter le terrifiant et étouffant pouvoir dans le générique, nous ne verrons rien. Du sadisme et de l'omnipotence d'Oberhauser suggérés, seuls subsistent une scène de torture nanardesque et un piège diabolique dans l'ancien immeuble du MI6 duquel se sort Bond les doigts dans le nez. Cette dichotomie met donc complètement à bas la cohérence du personnage de Waltz, le méchant ultime à l'origine de toutes les souffrances de Bond, et donc les enjeux scénaristiques du film.


Le film est riche en symboles funestes, la Mort accapare tous les niveaux de lecture. Mais à quoi bon ? Le ton du film n'arrive pas à s'approprier de manière satisfaisante ce thème, résultant en une dualité maladroite entre une atmosphère morbide et étouffante, convoquant les fantômes du passé, et une quête de film d'action des plus banales. On aurait aimé que Bond se débatte un peu plus face au pouvoir tentaculaire du Spectre, dans une lutte plus Hitchcockienne peut-être.


Ce n'est pas tout. Je passe rapidement sur Daniel Craig qui campe un James Bond sans malice aucune, sur Waltz qui semble ailleurs, et sur Léa Seydoux, alias la french femme fatale jouée à un premier degré assez effrayant, pour me concentrer sur les nanardises de ce film. J'ai déjà mentionné la scène de torture avec tout plein de d'aiguilles qui font bzzzz, et cette connerie de montre explosive échangée sous les yeux du vilain. C'est également de mon devoir de mentionner la scène de l'avion dans la montagne à la poursuite des deux bagnoles, le smart blood qui n'apporte absolument rien au scénario, le gadget qui détecte de l'ADN vieux de plusieurs années sur une bague, le complexe militaro-industriel qui explose dans son intégralité après une rafale de kalash, ou James Bond qui dégomme un hélico à 200m de distance avec un pistolet, debout sur un Zodiac allant à fond la caisse. Fun, nanardesque, ou impuissance scénaristique, à vous de choisir.


Spectre se veut donc ambitieux, il en ressort une impression mitigée, la maîtrise technique ne parvenant pas à dissimuler des ressorts narratifs un peu lourds, simplistes et éculés. Casino Royale reste donc sans égal parmi les 007 modernes.


Reste cette affiche, que je trouve pour ma part sublime.

simmer
5
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le 3 nov. 2015

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7 j'aime

simmer

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7

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