Le voici donc ! LE Bond qui devait affirmer aux yeux de tous que l'ère de Craig serait définitivement la plus intéressante depuis celle du glorieux écossais, celui qui saurait reprendre le leadership du film d'espionnage face aux assauts de plus en plus légitime des Missions Impossibles et autres Jason Bourne. Il faut avouer que Skyfall avait brillamment remis les pendules à l'heure il y'a 3 ans en rappelant aux déçus de Quantum of Solace que l'agent de sa majesté n'avait rien perdu de sa superbe. La BA de Spectre sortie, Sam Mendes toujours aux commandes, mes attentes étaient, il est vrai, énormes avec en point d'orgue un duel annoncé avec un Christoph Waltz au sommet de son art.
Waltz... commençons par lui car je pense avec le recul qu'il est la principale raison de l'échec que constitue cet opus. Lui, ou plutôt le rôle qu'on lui a écrit, ne parvient pas à un seul moment à proposer quelque-chose d'intéressant en comparaison de la prestation de son prédécesseur. Là où Bardem avait créé un génie calculateur et terroriste pervers, Waltz lui brille par son absence de personnalité et son manque de crédibilité. Sans vouloir rentrer trop dans les détails, pas une seule seconde, lui ou son organisation ne donne l'impression d'être en mesure de susciter une quelconque terreur imprévisible et surtout étouffante à l'image de ce qu'avait apporté le rôle de Raoul Silva. Comment Sam Mendes a-t-il pu à ce point sous-exploiter un acteur comme Christoph Watlz ? Incompréhensible alors que l'emploi semblait pourtant sur-mesure. "Pas de grand Bond sans un grand méchant", maxime officieuse et bien connue des fans de l'agent 007 et malheureusement cruellement vraie ici.
Et pourtant la scène d'introduction préfigurait le meilleur, brillant plan séquence au rythme millimétré, montrant à la concurrence le niveau de mise en scène qu'elle n'a jamais atteint et rappelant au passage le meilleur du cinéma des années 90 avec des cascades ultra réalistes loin, très loin du fond vert omniprésent (et bon dieu ce que ça fait du bien !). Mais voilà, en dépit de bonnes scènes d'action et une réalisation d'un bon niveau, l'histoire ne parvient jamais à connecter le tout de manière fluide et un désintérêt global quand aux enjeux se fait sentir dès la moitié du film. Sur 2h30 de durée, c'est rédhibitoire, d'autant plus que la fin est complètement anecdotique et en décalage complet avec ce que Sam Mendes avait construit sur Skyfall.
Craig justement, me parait vidé et épuisé de son rôle. L'inspiration lui manque et je commence à me demander s'il peut encore tirer vers le haut le rôle de Bond. Personnellement, je pense qu'il pourrait être le meilleur avec un scénario à la hauteur. Pour l'instant il reste coincé quelque-part entre la légitimité de Sean Connery et la classe "so british" d'un Brosnan. J'aimerai le voir dans un rôle qui chamboulerait les fondations du mythe, une remise en question de la personne et la morale de sa fonction (légèrement effleurée au début de Skyfall). Et quitte à le faire partir, pourquoi pas dans un duel fratricide avec les instances dirigeantes de sa chère patrie (une idée comme ça...). En attendant, Spectre avec son ersatz de Richard Kiel nous rammène aux heures sombres de l'époque Moore. La plus grosse déception de l'année 2015 pour ma part.