Solidement réactivée, la franchise des 101 Dalmatiens relance l'engouement général pour les chiens tachetés à la fin des années 1990's et s'accompagne d'un film à succès, d'une série animée et de plusieurs jeux vidéos. De ce fait, une suite d'abord titrée 101 Dalmatians Returns est tout logiquement mise sur les rails avec une promesse intrigante en plus d'un scénario tout neuf, celle d'une Cruella repentie cherchant à réparer ses erreurs auprès de la société.
Il nous est en effet présenté très tôt qu'une procédure thérapeutique a pu guérir ladite femme de son obsession pour les fourrures et qu'elle aspire désormais à servir le bien commun. Outre l'absurdité du concept qui considère la méchante comme un sujet d'expérimentation digne d'un animal, la première demi-heure a l'avantage de retourner le sens de la réalité en transformant la vieille folle en une sainte, elle parait comme lobotomisée tant sa personnalité est inversée, seules restent comme marques d'opération ses crises de nerf qui ont survécu au traitement, intervenant sans prévenir et ce pour deux moments très drôles.
Le suspense s'installe pour savoir quant est-ce que le monstre va rechuter et perdre à nouveau la boule, mais dès qu'arrive l'instant fatidique (là encore, dans une chouette scène où tout Londres est affublé de tâches, habitants, voitures et structures comprises), la dernière colonne qui soutenait 102 Dalmatiens s'effondre et c'est tout l'édifice qui part en morceaux. Là où on aurait pu s'attendre à ce que Cruella s'exténue à cacher sa vraie nature pendant l'heure restante tandis qu'elle magouille en secret pour créer son manteau, le film va sombrer dans la redite insipide et les effets de paresse en ne visant plus que le très jeune public.
Contrairement aux 101 Dalmatiens, cette suite ne cible que les enfants et ne s'en cache même pas. Le rendu réaliste du premier film disparaît pour laisser place à des protagonistes, des décors et des comportements plus colorés et mielleux. Un grand nombre d'animaux est ajouté pour capter l'attention des marmots, Prunelle, une dalmatienne sans taches, Ventraterre, un Ara doublé par Eric Idle et plusieurs chiens à caractéristiques variées. Quant aux dalmatiens, ils passent au second plan et leur kidnapping commence trop tard pour que l'histoire puisse clairement se focaliser sur eux.
Kevin Lima fait ses débuts difficiles derrière la caméra et la direction d'acteurs en souffre, entre les fades et monocordes Ioan Gruffudd et Alice Evans et les surexcités et cachetonneurs Glenn Close et Gérard Depardieu, il ne règne aucune harmonie au sein du cast, même la star française excède plus qu'elle ne fait rire en dépit d'un look improbable et de sa présence incompréhensible sur le plateau. Son association avec Cruella n'apporte finalement rien du tout si ce n'est un remplacement de luxe à Jasper et Horace dont il n'est fait mention nulle part, idem pour Roger et Anita. Très vite, le film n'en a plus rien à faire de la cohérence scénaristique (la dame d'Enfer ne cache son jeu que quand le script en a besoin, sinon elle se balade publiquement dans ses tenues polémiques avec l'ennemi juré des activistes) et applique une logique de cartoon pour justifier tout et n'importe quoi (récupérer les clés de la geôle permet bien sûr de s'évader du commissariat sans risque de se faire prendre).
Mais le summum de négligence qui résume l'échec de 102 Dalmatiens se trouve dans le passage imposé du placement de produit, ordonné dans toutes les productions Disney de l'époque. Alors que Les 101 Dalmatiens l'évacuait rapidement avec deux courts extraits inoffensifs des Aristochats et de L'incroyable Voyage, 102 Dalmatiens fait du visionnage de La Belle et le Clochard un appui romantique nécessaire de 3 minutes où les amoureux vivent le même dîner aux chandelles dans le restaurant d'un certain Tony sous la musique de La Bella Notte. Comme si Lima admettait qu'il ne veut même plus essayer de cacher la pauvreté d'écriture.
Si les plus jeunes y trouveront leur compte, les plus grands seront déçus par 102 Dalmatiens à cause d'une nette différence de ton, de rigueur et de sérieux par rapport au film de Stephen Herek qui, lui, se préoccupait de toutes les tranches d'âge.