Monstre intraterrestre
Le principal intérêt de 10 Cloverfield Lane réside évidemment dans cette perspective d’extrapolation de l’univers du film d’origine de Matt Rieves, ayant connu son petit succès en 2008,...
le 17 mars 2016
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Indéniablement, JJ Abrams sait s’y prendre pour englobés ses projets d’une aura de mystère. On se souvient de la promotion énigmatique de Super 8 et de son trailer interactif dans les bonus de Portal 2 qui avait suscité la curiosité des fans grâce au cliffhanger final de la démo. À l’heure du tapage médiatique des Avengers, il est bon de renouer avec une certaine tradition du marketing en ne délivrant que le minimum d’information dans les bandes annonces afin de maintenir une omerta qui poussera les gens à aller voir un film dont ils ne savent presque rien. Il faut dire aussi que tout l’intérêt de 10 Cloverfield Lane réside dans son effet de surprise, si ce n’est que son titre évocateur nous donne un vague indice de la teneur de son sujet. Rappelez-vous, il faut remonter à 2008 pour que le Found Footage de Matt Reeves emporte tout tel un raz de marée et participe à populariser le genre durant les années qui suivirent. Ce divertissement très spectaculaire tourné caméra au poing reprenait le déroulement chaotique de La Guerre des Mondes en prenant le point de vue des figurants, témoins impuissant d’une vague de monstres envahissant la ville de New-York. D’une certaine façon 10 Cloverfield Lane en prend le contre-pied en se bornant à refuser le spectaculaire bien qu’il prolonge la thématique du film de Spielberg dans sa partie en huit clos, et si Cloverfield été un film post 11-septembre, celui de Dan Trachtenberg traite de la peur et du fantasme de survivaliste d’un futur conflit à venir ce qui permet de renouer avec une forme de science-fiction parano.
Difficile de dire ce qui a bien pu pousser Michelle a prendre la route ce jour là en laissant son couple derrière elle. Pourtant une chose est certaine, le changement qu’elle voulait dans sa vie va lui rentrer dedans et de plein fouet durant ce trajet. Après quoi, elle se réveillera enchaînée dans la cave d’un survivaliste que l’on suppose être le chauffard responsable de son accident et qui prétend l’avoir sauvé d’une attaque bactériologique majeur. Pourtant rien ne nous permet d’affirmer de telles allégations, faute d’avoir pu en être témoin, et le fait que la convive soit retenue captive ne fait que renforcer notre suspicion au sujet de son hôte que l’on soupçonnera à tort ou à raison d’être un dangereux sociopathe. Michelle sera le seul point de repère du spectateur, puisque l’on partagera ses craintes, et ses doutes sur la situation, d’autant que la vérité présentée n’est pas si facilement démontrable et ne repose que sur la confiance et la crédulité de l’héroïne autant que la nôtre. Mais elle n’est pas la seule dans cet abri anti-nucléaire, puisque un autre homme (Emmet) est lui aussi parvenu à trouver refuge et tend à confirmer la version de Howard, seulement on ne sait rien de lui, et la méfiance nous enjoint à rester sur nos gardes. Pourtant le duo de captifs va fraterniser et apprendre à vivre selon les règles de leur bienfaiteur qui ne leur veut évidemment aucun mal, du moins tant qu’ils n’essaieront pas de lui fausser compagnie ou bien de trop envahir sa sphère intime et privé qu’il est prêt à partager avec eux comme un bon père de famille.
Les bons moments de franche camaraderie entre les jeux de société et les soirée pop-corn devant la télé ne seront néanmoins qu’un court répit accordé car l’invisibilité des événements extérieurs et le caractère débonnaire et psycho-rigide de l’hôte n’en fini plus de semer la confusion dans les esprits, d’autant plus que l’enfermement aura le don d’exacerber les tensions et finiront par altérer quelque peu ce magnifique portrait de famille recomposée. Et c’est là aussi que Dan Trachtenberg parvient à puiser dans la force de ce scénario écrit par Damien Chazelle, en générant des renversements de situations pour le moins inattendues. Une victime liquéfiée à l’entrée de l’abri va certes corroborer la version de Howard ce qui aura pour effet paradoxale de désamorcer la situation et d’effacer les craintes que nous avions à son sujet mais la découverte d’indices suspects aura l’effet d’une épée de Damoclès et d’un signal d’alerte enjoignant les deux survivants à fabriquer une combinaison HEV pour se soustraire à la surveillance de leur pot de colle de taulier qui prend son rôle de protecteur un peu trop à coeur. En cela, l’idée de quitter le cocon familiale prend tout son sens allégorique, puisqu’il s’agira pour Michelle et Emmet vue comme les « enfants » de l’abri de s’armer pour faire face aux dangers du monde extérieur en s’affranchissant de l’autorité paternelle qui voudrait les empêcher de grandir quitte à leur mentir comme le faisait le patriarche dans Canine de Yorgos Lanthimos.
10 Cloverfield Lane tient d’ailleurs beaucoup à l’interprétation de John Goodman dont la réputation n’est plus à prouver et qui semble ici marcher sur les traces de son rôle dans The Big Lebowski comme ci Walter Sobchak avait réellement fini par péter les plombs après tout ce temps passer à alimenter sa propre paranoïa. Depuis La Nuit des Morts Vivants de Georges Romero, il n’est même plus utile de démontrer que la plus grande menace en cas de fin du monde reste l’homme et qu’il paraît presque préférable de rester seul plutôt que de finir mal accompagné. La dernière partie s’épanouira finalement en dehors de l’abri avant de renouer avec la veine fantastique de son prédécesseur, ce que nous n’avions pas forcément vu arriver bien que l’indice était dans le titre, encore fallait-il savoir avant de le voir que 10 Cloverfield Lane appartenait vraisemblablement au même univers que Cloverfield. C’est enfin là que le sous-titre du film prend tout son sens : « Un Monstre peut avoir plusieurs visages » .
T’aimes l’odeur du blaster fumé au petit déjeuner ? Tu rêves de pouvoir voyager à travers d’autres dimensions afin de quitter ce monde de cons ? Rends-toi sur L’Écran Barge où tu trouveras toute une liste de critiques dédiées à l’univers de la science-fiction, garanties sans couenne de porc.
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Créée
le 5 juin 2024
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