Qu'est-ce que ce film? Est-il une vive critique envers un système judiciaire parfois sans humanité (dans le sens de la quasi stricte application des peines sans "voir" la personne devant lui), ou bien alors une mise en valeur de toutes ces personnes qui, malgré des situations souvent compliquées, parviennent à rester dans une neutralité exemplaire, tachant justement de juger les personnes de manière égale, en prenant naturellement en compte les antécédents de chacun? Au final, peu importe. Depardon, dans ce film, ne cherche pas à filmer le système et ceux qui le composent, mais bien 12 accusés face à la justice, face à leur destin, qui n'ont d'autre choix que de subir la décision du juge.
A ce titre, Depardon a fait le choix judicieux de nous présenter la Correctionnelle. En effet, les délits que l'on nous présente ici sont commis non pas par des personnes foncièrement mauvaises (comme on pourrait retrouver en Assises sans non plus généraliser), mais seulement par des gens qui ont fait des erreurs de parcours, parfois occasionnels, parfois récurrentes, mais à part dans un cas, sans jamais avoir une volonté de faire du mal à une personne ciblée. De là s’enchaînent les audiences, les ports d'armes illégales se succèdent aux conduites en état d'ivresse et aux vols, et chaque situation des accusés est différente des précédentes. Certains sortent de plusieurs années de prison, d'autres ont des positions relativement élevées socialement parlant (artiste, sociologue...), mais tous sont filmés, observés de la même manière, dans un cadre fixe qui ne bouge pas tout au long du film, non monté pour qu'ils puissent exprimer toute leur pensée, comme devrait le faire la justice.
Malheureusement, ce film dénonce effectivement que cette justice n'agit pas réellement comme cela et qu'elle est influencée par la personne qu'elle a en face d'elle. Dans le docu, on voit bien qu'une personne qui bégaie, qui n'est pas à l'aise, quand bien même ses arguments tiennent la route, ou bien qui est défendue par un avocat peu virulent aura plus de chance d'écoper une peine proche de ce qu'a prescrit le procureur, plutôt que quelqu'un qui s'exprimera sans difficulté dans un français correct. De même, un avocat très convaincant et juste dans ses propos dénonce une tendance à juger en fonction du mode de vie de son client (fortes dépenses en drogues et temps passé dans des endroits réputés être des lieux de passage de ces mêmes drogues) et pas en fonction des faits qui lui sont reprochés. Preuve de la nécessité de contrôle poussés de l'application des peines.
Attention, je ne dis pas que toutes les personnes montrées ici sont innocentes, et qu'elles sont désignées coupables uniquement à cause de leur mauvaise défense. Il parait même évident que la majorité des accusés sont coupables de ce qui leur est reproché. Ce qui serait à revoir n'est pas la décision concernant la culpabilité ou non, mais la sanction, la peine décidée par un juge naturellement influençable car humain avant tout.