Qu'est-ce qui explique cette émotion intense, cet intérêt aigü que l'on ne peut s'empêcher de ressentir au (re)visionnage de cette "10ème Chambre" (pour le moment, le chef d'oeuvre de Raymond Depardon) ? Sans doute l'impression que le dispositif parfait mis en place - la position des caméras, en particulier de celle qui filme sans aucun mouvement, en très légère contre-plongée (du jamais vu en matière de filmage de procès, en fait), l'enregistrement exact du moindre son grâce à 14 micros judicieusement disposés dans la salle d'audience) - transforme la "fenêtre" de documentaire en un véritable "miroir" où nous contemplons avec effroi nos vies et notre âme, exposées à l'effroyable machine judiciaire. Effroyable car Depardon est un artiste politique, qui utilise le montage de manière diabolique, pointant subtilement mais implacablement l'autoritarisme du texte (le fameux Code Napoléon) et la toute-puissance aveugle de ceux qui le servent. Tout simplement un grand film. [Critique écrite en 2005]