Le concept était tout sauf inintéressant: 11 films, de 11 réalisateurs d'origines différentes, pour 11 minutes et 9 secondes chacun. Tous dédiés à un évènement sur lequel on va pas épiloguer, celui des attentats sur le World Trade Center. C'est ce qu'on appelle un film à "sketchs" audacieux, où chaque segment est censé apporter une nouvelle facette étrangère à ce qu'il s'est passé. C'est d'ailleurs la fierté du long-métrage: sa liberté d'expression.
On commence le film directement par l'Iran (les segments sont tous impeccablement compilés), par Makhmalbaf. En situant l'action à l'école, elle interroge sur le futur que déterminera cet évènement, certes, mais surtout elle rappelle que les enfants sont innocents dans toute cette histoire (ils sont davantage préoccupés par l'existence de Dieu que de New York- et ils font bien !), et que l'information ne passe pas aussi bien partout. La comparaison des tours incendiées avec une cheminée, à la fin, est saisissant. Tout, absolument tout, partout, peut être un attentat comme celui du 11 Septembre. C'est une institutrice qui interpelle les enfants ainsi; ce qui libère ce message important: la culture peut sauver le monde.
Deuxième segment, avec notre Lelouch national ! Parti pris complètement différent, comme avec tous les autres. C'est dingue, on a l'impression qu'ils se sont contactés pour être bien sûr qu'ils ne créaient pas de similitudes ! Ce qui rend ce film vraiment passionnant. Le réalisateur de "un homme et une femme" crée un court... muet, avec quasiment sans aucun son. Évidemment, il a pas pu s'empêcher de mettre une petite histoire d'amour en parallèle à l'évènement. Il a de quoi déconcerter, il peut provoquer de l'ennui. Mais pour ma part, ça m'a parlé.
Troisième segment, l’Égypte est représentée par Chahine. Comment, vous ne connaissez pas Chahine ? Pourtant, il est clairement signifié dans ce film que c'est un mec hyper connu, avec des journalistes prêts à tout pour une conférence de lui ! Je déteste les réalisateurs qui se mettent en valeur comme ça, surtout quand on n'est pas si célèbres que ça. Pour le reste, cette partie est très intelligente. Politiquement, il remet tout en cause, à travers un spectre de soldat et d'une enquête revenant aux racines des USA. Histoire de ne pas oublier que la violence engendre la violence, évidemment. Et finalement, à côté des attentats, c'est une réflexion sur la vie qui se dessine. Très beau moment.
Le segment suivant vient de Bosnie, avec Tanovic. Largement le moins bon. Très lent, de l'"auteurisme" sur-caricaturé, le lien avec le 11 Septembre est pas fascinant... A oublier. D'ailleurs, c'est vite fait.
Ouedraogo , pour le Burkina, livre le court-métrage le plus original du tout ! En effet, le message est clair: on s'en fout du 11 Septembre, ce qu'on veux c'est Ben Laden. Ou du moins, du point de vue des gamins de cité, qui auraient bien besoin de la prime qu'il y a sur sa tête. Contrairement aux autres, ce court n'est pas funéraire. Il est dynamique, ironique ("Ben Laden, reviens ! On a besoin de toi !"), et plutôt drôle. Le réalisateur choisit de prendre la tragédie sur un jour plus pittoresque. Et il a bien raison. Je découvre un cinéaste intéressant, et l'un des meilleurs segments de "11'09'01".
Loach, un des rares réalisateurs vraiment réputés dans ce lot, fait comme d’habitude: il prend tout le monde à contre pied, au nom du social politique. Lui, il dit : "Ouais, ce 11 Septembre était chaud, mais vous ne parlez jamais de celui de 1973, où Allende a été assassiné !". Complètement hors-sujet, et paradoxalement pas du tout, atroce dans ses propos (surtout lorsque le narrateur évoque les tortures citoyennes, bien réelles hélas...), l'acteur principal joue magnifiquement l'écorché à vie, la victime d'une forme de terrorisme autorisé. A méditer.
Gonzalez Inarritu signe le meilleur court-métrage. Tour de force puisque, sur 11 minutes, on n'entrevoit que 30 secondes maximum d'images ! Tout le reste, pendant la majorité, c'est du noir total. Mais quelles images, nom de Dieu... Des plans particulièrement précis sur ces actionnaires tombant des Tours, qui apparaissent comme des flashs indélébiles, et par derrière les sons de la ville attaquée, dont la tension augmente, l'angoisse qui transpire du cadre... Nous sommes au plein milieu du cauchemar. Les autres cinéastes édulcore, lui, il met ses mains dans la crasse et nous la tend sous le pif. Aucun commentaire, aucun point de vue: juste ces gens qui tombent. On ne voit rien, mais on ne peut pas décrocher de l'écran. Et finalement, une lumière blanche vive, avec une citation arabe. Un grand message pacifique.
Gitai fait le pari d'utiliser un plan-séquence sur 11 minutes, avec pour personnage principal une journaliste, disons, énergique. Le propos est simple: certes, le 11 Septembre c'est terrible, mais aucun média ne parle des plus petits attentats se passant régulièrement dans les autres pays. Un devoir de relativisation, donc. Pas marquant, mais sympathique.
Nair crée un segment qui ne m'a laissé stupéfait. Le sujet est très important pour moi, celui des préjugés qui engendre la confusion. Comme ici: un type nommé terroriste à cause de son origine, alors qu'il a sauvé des personnes lors des attentats. Basé sur une histoire vraie, c'est le court-métrage démontrant le mieux la bêtise des États-Unis par rapport à leur réaction à cet outrage national. Le personnage de la mère est particulièrement bouleversante.
C'est à Sean Penn qui revient la lourde tâche de représenter le pays ciblé (et pour le coup, j'aurais bien aimé que ce soit son segment qui achève le film). C'est le deuxième meilleur du lot. Avec une des meilleurs idées de cinéma que j'ai jamais vu: l’effondrement des tours permettant aux fleurs d'un vieux de fleurir, cachées par l'ombre de ces dernières. L'extase, puis l’effondrement de ce même retraité veuf. Une métaphore extraordinaire et poétique.
Le Japon achève le dîner, par Imamura, qui fait un segment très réussi... mais cette fois vraiment hors-sujet. Le parallèle avec la guerre d'autrefois avec les USA est évident, la folie qu'engendre ce genre de combat est présenté de la manière la plus terrible (le mec se prend pour un serpent, donc à mon avis il est pas resté à élaborer les plans), mais comment dire... Le rapport avec le 11 Septembre ? Certes, l'évènement a engendré une guerre. Alors pourquoi Imamura a regardé le nombril de son pays et ne s'est pas concentré sur cette guerre autrement plus actuelle ?
En résumé, c'est un film d'une grande cohésion, avec 11 points de vue très inspirants (bon, disons plutôt 9), et que je trouve nécessaire. Finalement, c'est davantage un film sur l'Humain qu'un acte de solidarité international.