Robin Campillo explore les années Act-Up en compagnie d’une bande de militants. Film de groupe, sensible et politique, 120 Battements par minute est un vrai grand film.
Déjà auteur d’Eastern Boys, un film aussi politique que sensible, Robin Campillo sait désormais susciter d’avantage d’attentes. 120 BATTEMENTS PAR MINUTE nous plonge dans ce moment charnière où le Sida a débarqué, durant les années 90. Avant, c’était formidable. Puis d’un coup, il a fallu réapprendre à vivre pour toute une population en proie à la peur. Soit en se protégeant, soit en se soignant. Le mal est là, et il faut vivre avec. Les premières minutes posent très rapidement le contexte. Comme Nathan (Arnaud Valois), un jeune nouvel adhérent, nous sommes briefés. Qu’est-ce qu’Act-Up, comment fonctionne leurs réunions, leurs activités. Et puis nous voilà plongés dans le grand bain, entre actions-choc pour faire passer leur message, et moments de vie. Le film joue sur ce double visage, où la détermination des manifestations est sans cesse apaisée par la beauté de la vie. Ces fêtes, ces instants de confession, sont des sas de décompression, autant pour les protagonistes que pour nous. Car, ils ont beau être condamnés à mourir, ils sont dans l’immédiat bien décidés à profiter de chaque seconde de vie. A la manière des plus efficaces films de bande, 120 BATTEMENTS PAR MINUTE arrive à faire exister plusieurs protagonistes et à se créer un réel petit écosystème régi par des codes. Bien aidé par une distribution fantastique où Nahuel Perez Biscayart marque considérablement les esprits, Campillo dessine en 2h20 des caractères saillants, identifiables. Technique (les termes sont parfois très scientifiques) mais jamais hautain, le film arrive à créer un tourbillon d’émotions en jonglant habilement entre épopée intime et politique. On est forcément bouleversé de voir des jeunes adultes, normalement dans la fleur de l’âge, se battre pour espérer que les futurs mois ne soit pas les derniers. Le film rappelle sans cesse que pour beaucoup, le temps joue en leur défaveur. Les groupes pharmaceutiques ont ce temps. Eux, non. D’où cette hargne, cette fougue qui emporte tout sur son passage. Chaque seconde est une victoire, chaque souffle doit être intense. Une intensité qui irrigue la mise en scène de Campillo, instinctive, énergique, ponctuée d’instants de grâce stupéfiants vous laissant sur le carreau.
120 BATTEMENTS PAR MINUTE est un film nécessaire, à la portée politique encore valable en 2017 (Campillo montre bien que le peuple possède un pouvoir pour faire entendre sa voix), rappelant que, quelque part, le combat est toujours d’actualité. Ce qui en ressort, in fine, c’est une rage de vaincre pour s’accorder le droit de s’aimer encore. Dans le dernier tiers, une scène à l’hôpital entre Sean et Nathan est d’une puissance ahurissante tant elle fait jaillir ce besoin permanent d’intensité qui anime cette jeunesse. Même au bord du gouffre. Robin Campillo érige de manière flamboyante ses protagonistes en héros tragiques, avec tout ce que cela inclut. Le spectateur n’est pas dupe dans l’affaire, il se fait vite à l’idée que toutes ces âmes auxquelles il s’attache peuvent disparaître d’une scène à l’autre. On sort donc logiquement chamboulé de 120 BATTEMENTS PAR MINUTE, ravagé par le portrait énergique de cette génération sous perfusion.
Par Maxime Bedini pour Le Blog du Cinéma