A l'origine, ce modeste billet devait vous causer de Nés en Chine.
Devait...
Car manque de bol, après une demi-heure de route, j'apprends que l'exploitant du cinéma n'a pas eu la copie du film Disney Nature. Depuis mercredi... Et que le programmateur n'en a visiblement pas grand chose à foutre.
Reste donc plus qu'une salle. Celle qui passe 120 Battements par Minute.
Je n'avais pas envie de le voir, ce film. Vraiment. Le sujet ne m'intéressait tout simplement pas. Et le succès décrété, le masqué, il y est généralement allergique. Mais j'ai pensé qu'il ne fallait pas que je meure idiot.
L'idée de la demi-heure de trajet faite en vain, ainsi qu'une certaine incompréhension avec la personne qui m'accompagnait ont fait que finalement, deux places supplémentaires contribueront au succès de 120 Battements par Minute. A mon corps défendant.
Car à la sortie de la salle, le masqué a eu l'impression qu'on le lui avait carrément fait à l'envers. Voire qu'il s'était fait entuber en beauté. Pour ne pas dire autre chose.
Car 120 Battements par Minute n'est qu'un nouvel avatar dans la longue série des films cannois récompensés par une bien-pensance qui a tout du nauséabond et du prêt-à-penser culturel que l'on déballe en société en disant que l'on a bien aimé. De manière purement hypocrite. Parce qu'une certaine presse a dit que c'était formidable et que c'est honteux d'en dire quelque chose de mal. Et que si tu le fais, t'es qu'un beauf.
Behind est donc un beauf. Mais ça, vous le savez certainement depuis longtemps.
Car ce qui est présenté de manière fantasmée comme un tourbillon d'émotions, la célébration d'un combat militant ou la beauté d'un amour interdit, pendant cent quarante longue minutes qui en paraissent le double, se tire finalement une sacrée balle dans le pied. Car l'association qu'elle dépeint n'est finalement qu'une somme d'intérêts particuliers, des gens qui en veulent à la terre entière de manière aveugle. Car le film cautionne sans ambage la violence de leurs actions, faisant écho à une certaine complaisance actuelle sur les actions d'une ultra gauche débridée.
Mais c'est finalement dans cette faille que 120 Battements par Minute s'avère dans un premier temps le plus intéressant. Car tout au long de ses réunions des plus rébarbatives qui zèbrent le film, pointent les dissensions, les oppositions de points de vue, la parade de certains de ses membres, ceux qui posent et imposent aux autres, qui croient qu'il n'y a qu'eux. Act Up en prend pour son grade, même si cela, la critique autoproclamée semble feindre de ne pas l'avoir compris. Et de l'acte militant affirmé le poing levé et la main sur le coeur, le film ne fera vivre cette association que comme assez détestable, voire fonctionnant à la manière d'un régime de Corée du Nord, autocrate et fermé au dialogue.
Mais ce n'est finalement pas le plus grave, peut être. Car 120 Battements par Minute ne semble envisagé que pour flatter la communauté qu'il met en scène... Tout en en charriant les pires poncifs à son sujet dans les manières, la façon de parler, les attitudes et les clichés les plus détestables, comme le rapprochement entre éducation nationale, homosexualité et ce qui ne sera pas interdit d'interpréter comme de la pédophilie.
Le militantisme aurait nécessité beaucoup plus de contexte, comme l'épisode du sang contaminé, tout aussi révoltant qu'honteux, réduit à un débat crétin et quelques images d'archives ultra fugitives. Le film passera en outre du général au particulier, de manière extrêmement maladroite et mal gérée. La première partie, en effet, centrée sur le collectif, entrave la définition d'un quelconque affect, d'un personnage auquel on pourrait s'attacher.
Et ce n'est seulement qu'après des scènes de fêtes répétitives et sur les mêmes rythmes, ou encore des situations sonnant faux et tout droit tirées d'une campagne de prévention sponsorisée par le Service Public que l'intime apparaît, sur la pointe des pieds. Un intime qui pousse à un clash final avec une association dont la volonté est de littéralement instrumentaliser les malades. Un intime dans la maladie qui gagne du terrain et qui détériore le corps trop rapidement et inexorablement. Trop tard, malheureusement. Car l'intérêt pour 120 Battements par Minute s'est déjà fait la malle depuis longtemps. Trop tard parce que ce rebond intervient dans un dernier tiers qui n'en finit pas de ne pas finir.
Et qui ne fera finalement que souligner l'aspect totalement cynique de l'entreprise présentée comme un militantisme honorable. Car 120 Battements par Minute, tout comme son association, mettra en scène de manière proprement honteuse la mort d'un de ses protagonistes, instrumentalisera un pathos qui tire inutilement en longueur au service de la cause, devenue en un instant une hypocrisie insoutenable.
Car le disparu avait claqué la porte. Le disparu avait congédié le leader de l'association dont il ne voulait plus, pourtant, entendre parler. La veillée du corps, avec tous ces militants qui se retrouvent opportunément à son chevet, aura tout d'une récupération pour la cause proprement gerbante, tout comme le cliché de la reprise obligatoire de Jimmy Sommerville qui clôture le film.
Mais le succès décrété en décide autrement. La critique professionnelle a seulement vu ce qu'elle voulait bien voir. Car non content d'ignorer quasi intégralement les autres populations touchées par le sida, non content de flinguer totalement le combat qu'il prétend pourtant défendre avec ardeur, 120 Battements par Minute a tout de l'escroquerie intellectuelle orchestrée par un Robin Campillo pour qui, certainement, la fin justifie les moyens.
Rien de plus faux que ce lieu commun aujourd'hui pour le masqué, qui l'a appris à ses dépens.
Behind_the_Mask, du sang (contaminé) sur les murs.