En 92-93, j’ai 13 ans, je vis à Montreuil, je prend la ligne 6 pour me rendre en cours, je participe à la Gay pride avec les Bass, c’est un médecin qui me fera découvrir Act Up, Jessy a 14 ans, il est mon meilleur ami, il est hétéro et séropo.
C’est grâce à lui que j’ai tout de suite appris que contrairement au discours des médias, du gouvernement, des lobbys, le sida se transmet aussi quand on a des rapports hétérosexuels et même lors d’un premier rapport malgré la fidélité et l’amour.
Par conséquent, avant de le visionner je me demande si c’était trop tôt ou trop tard pour revenir sur cette époque charnière.
Après la projection, je constate qu’il me manque les fameux 4 bpms.
A présent, je vais donc tâcher de vous en expliquer les raisons.
Pour commencer, je dirai que c’est un Film à débat et moins à critique.
Pour certains il est typiquement Français car bavard, selon moi non, car il y’a 20 ans la parole n’était pas libre, elle évoluait à tâtonnement tout comme la médecine.
Concernant la force de l’écriture et du sujet :
Oui le séisme épidémique est passé, mais quitte à redonner de la voix à ce sujet autant y aller franco. J’aurai aimé que ce film soit une sorte de facture à cette effroyable et révoltante addition.
Montrer et désigner plus concrètement les aberrations, les coupables, le climat général, ce système qui a choisi le parti pris de laisser le temps au temps, qui a tout fait pour complexifier cette lutte, mais également porter la lumière sur les origines de la création de ce virus, le pourquoi du comment tout simplement. Cette question qui nous taraude depuis son apparition, ce qui nous a divisés, apeurés, endeuillés.
Par conséquent, ce n’est donc pas un film dossier, mais un film choral, vibrant, nostalgique pour la génération Y et qui provoque l’éveil pour la génération Z.
- Concernant l’écriture et l’angle d’attaque :
Je ne peux que saluer ce débat :
Quelle est la meilleure façon de milité ?
Comment donner la parole à une communauté ?
Où se trouve la justesse ? La sagesse ?
Cet éternel combat entre l’agression et la diplomatie est pour moi très bien amené.
Dans la Première partie
- La mise en scène donne vie aux débats politiques et activistes
- De nombreux Gros Plans
- Caméra embarquée et omniprésence de la Lumière naturelle
- un jeu d’acteur réaliste
- des dialogues vifs et intelligents.
On est en présence d’un Documentaire, c’est donc la partie où j’étais à fond dans le film.
- En ce qui concerne la Deuxième partie :
On se concentre désormais sur l’histoire d’amour et sur le fait de vivre avec la maladie.
Toutefois, c’est le chapitre, où je me suis le moins impliqué émotionnellement, je trouve que l’histoire d’amour est trop découpée, qu’elle manque d’intensité, de projection.
Si je devais conseiller des films qui à mes yeux traitent émotionnellement
à la perfection le sida, ce serait (Philadelphia sorti en 1993 réalisé par Jonathan Demme avec Tom Hanks, Denzel Washington ou Kids sorti en 1995 qui est le premier Film de Larry Clark.
Pour ces deux films, leurs forces sont leur contextualisation, bien sur et surtout parce qu’ils filment ce fléau de l’intérieur.
Pour le coup, avec ces deux films, on voit concrètement que les gens commencent à comprendre ce qu’est cette maladie, ce qui est très bien expliqué dans ces films ! On voit l’ignorance, les amalgames et la peur que diffuse cette entité.
C’est une descente aux enfers de A à Z, comme nous le vivions à l’époque qui décime tout sur son passage.
Malgré tout, le film de Robin Campillo m’a ému jusqu’aux larmes, grâce à trois plans.
Il s’agit des envolés oniriques, dans un plan mirifique, des micro particules de poussières, évoluent tout autour de nous avec douceur et magnificence,
telle une voix lactée, pour peu à peu se révéler dans un autre plan tout aussi somptueux être le virus du sida.
De plus, il y a un plan où lors d’une étreinte sexuelle, Robin Campillo parvient un tour de force en créant une mise en scène maitrisée il intègre un flashback dans l’instant présent qui suit la transmission du virus mais cette fois-ci à échelle humaine.
Au vu de toutes ces considérations, aussi de par mon rapport avec le sida mais surtout en tant que citoyenne du monde, je suis frustrée mais je reconnais aisément que c’est un film important.
J’aurai grandement apprécié un véritable film documentaire et non deux formats en un.
Donc pour moi, c’est un parti pris audacieux et dans l’ensemble bien mené, mais qui ne me permet pas de faire le deuil sur les causes et les conséquences de ce virus.