(je dis "à nuancer" parceque oui, évidemment que chaque groupe a une culture qui lui appartient exclusivement, et puis c'est toujours agréable de s'approprier des œuvres comme étant ~les nôtres~, comme présentant des personnages que ~les autres~ ne peuvent pas comprendre. Mais je ne pense pas que ce soit le cas pour ce film. Voici pourquoi )
Certes les personnages principaux sont des hommes gays (probablement tous cis et blancs mais c'est une autre histoire). Cela veut-il dire pour autant que ce soit un film "de gays, pour gays" ? Cette manie de parler de "films gays" devrait selon moi cesser. Parle-t-on de "film hétéro" dès qu'un couple homme-femme apparaît dans une oeuvre ? Pourquoi dès qu'il ne s'agit plus d'histoire de gens """"normaux"""", le film est jugé particulier, d'un genre spécial incompréhensible au commun des hétéro ? Alors que justement, le principal combat des personnages est d'exposer leur cause au public qui ignore leur lutte sous prétexte que "c'est des trucs de p*dé" qui n'arrivent pas aux autres.
Nahuel Perez Biscayart qualifie ce film d'"universel" en ce qu'il représente la mobilisation d'une jeunesse impliquée, en mouvement. Paradoxalement, alors qu'ils ne sont justement mis en scène que dans le cadre d'Act up, les personnages principaux sont vrais, profonds. Sans cela, le film aurait été trop exclusivement reportage, froid.
J'apprécie donc la dimension quasi documentaire de la première partie du film, qui ne romp pas pour autant avec sa dimension humaine. On a l'impression de participer aux assemblées tout en étant impliqués dans la vie des personnages. Si la deuxième moitié du film est pesante -ce qui est à mon avis une façon assez légitime de représenter la maladie dans toute son ampleur (et puis il fallait s'y attendre : c'est un drame)- cela reste assez sobre et propre. La scène de réunion après la mort de Sean et la manifestation finale contrebalancent cette lourdeur.
Malgré cela, le recentrage de l'attention sur le couple Sean-Nathan dans la suite du film qui exclut quasi-complètement les autres est trop entier. Le sentiment de communauté qui donne sa valeur au début du film se perd, pour doucement resurgir à la toute fin.
Il manque cependant à cette oeuvre le point de vue des femmes trans. Je sais pas comment ça s'est passé historiquement mais elles ont absolument été impliquées dans la crise du sida tout autant que les hommes gays cis qui monopolisent l'attention dans le film. C'est vraiment dommage.
S'il aurait été compliqué de traiter en un seul film chaque point de vue des groupes atteints du sida, la simple mention des prostituées et femmes trans ne suffit pas à combler leur absence.
(et rien à voir mais je suis absolument soulagé que ce film ait une bien meilleure fin que celle d'eastern boys lmfao honnêtement si campillo nous avait sorti un truc à la con de ce genre j'aurais créé une pétition pour qu'il arrête d'impliquer publiquement la communauté lgbt dans ses délires incestueux)
120 battements par minute est donc un bon film sur la jeunesse militante, pour tous ; mais dont le point de vue reste malgré tout très centré sur ce lui des hommes gays et cis.