L'heure semble être venue pour les Américains d'affronter l'un de leurs pires démons, la barbarie de l'esclavage sur laquelle s'est largement construite l'économie de la nation. Après la revanche des "niggers" offerte par Tarantino, voici donc avec "12 Years a Slave" une plongée sans concession dans l'horreur de l'esclavage à travers le long, long calvaire de Salomon, qui chute d'une enviable condition d'homme libre et fortuné à celle - ici littéralement terrifiante - de propriété de Sudistes plus monstrueux les uns que les autres. "12 Years a Slave" est un film "militant", offrant un portrait sans concession - mais pas complètement sans nuances, heureusement - d'une société blanche qui patauge dans l'ignominie suprême (la négation absolue de l'humanité chez "l'autre") ; un film remarquablement dirigé, loin des poncifs hollywoodiens (aucun sentimentalisme ici, aucun bon sentiment d'ailleurs, aucune rédemption heureusement), chaque scène étant construite comme un bloc de pure angoisse / terreur / haine etc. viscérales... C'est une expérience peu aimable, furieusement éprouvante par moments, jusqu'au point d'en devenir peut-être critiquable, puisqu'aucun moment de repos, de répit, sans parler même de paix ou de bonheur, de la vie des esclaves, ne nous est jamais montré en 2h15. La seule scène pouvant d'ailleurs exprimer une sorte de conscience est celle du blues, scène que l'on ne peut s'empêcher de trouver caricaturale, tant elle correspond aux "clichés blancs" en vigueur. Mais la force unique du propos de McQueen, au delà de la haine bien naturelle qu'il exprime vis à vis du système esclavagiste et de tous ses rouages, c'est l'intelligence avec laquelle il nous montre l'apathie des victimes (voir la scène de la pendaison de Platt), comme le sentiment de culpabilité et de honte irrépressibles qui les noie peu à peu, et qui explose dans la scène finale. Difficile d'aimer ce film, mais tout à fait impossible d'en nier d'ores et déjà l'importance historique. [Critique écrite en 2014]

EricDebarnot
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste The Best that Cinema has had to offer since 2000

Créée

le 21 janv. 2014

Critique lue 351 fois

8 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 351 fois

8

D'autres avis sur 12 Years a Slave

12 Years a Slave
Eren
4

Kid...napping !

L'académisme apparent de ce film est une énigme et une évidence à la fois. McQueen accouche d'une mise en scène aussi louable que discutable. Il déploie également un casting palliant le masque de ses...

Par

le 20 févr. 2014

81 j'aime

13

12 Years a Slave
guyness
4

Soupires en pire

A l’angle de la Canebière et de la rue Vincent Scotto (qui donne sur Belsunce), au numéro 37, trône les lettres fluos du cinéma "Variétés". Le patron du cinéma traine une réputation peu reluisante...

le 16 févr. 2014

79 j'aime

59

12 Years a Slave
Hypérion
4

L'argument "Based on a true story" ça ne suffit pas.

Quoique @Before-Sunrise aie d'ors et déjà dit l'essentiel de ce que j'aurais pu gribouiller sur 12 years a slave, je vais me fendre de quelques lignes parce que bon, un oscar de meilleur film pour...

le 3 mars 2014

78 j'aime

20

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

192 j'aime

118

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25