La bonté est-elle inhérente à l'Homme ou bien vient-elle de l'éducation ? Une question philosophique à laquelle il est bien difficile d'apporter une réponse définitive. A la vue de ce film, on est furieusement tenté de répondre par la négative sur le caractère inné de cette qualité.

Le XIXème siècle dans le sud des Etats-Unis est terre d'esclavage. Les nègres jadis arrachés d'Afrique centrale sont devenus main-d'oeuvre bon marché pour de riches propriétaires terriens à la carnation ivoire. Pas facile d'avoir une peau d'ébène en ces contrées. Le nord du continent offre une vie d'homme libre à égalité avec les blancs. Notre "héros" est un violoniste noir apprécié de ses voisins. Une invitation hasardeuse le voit se réveiller les fers aux pieds. Commencent alors douze longues années de servitude.

Les décors, d'un réaliste saisissant et parfois d'une grande beauté, voient des acteurs de grande qualité incarner les protagonistes de cette terrible histoire. A commencer par le personnage principal campé par un acteur habité par le rôle, les rôles titres sont vibrants d'intensité. Depuis l'esclavagiste plus au moins compréhensif vis-à-vis de ses employés forcés jusqu'au cruel maître qui harcèle de ses assauts une jeune esclave qui a le tort d'être jolie en passant par le travailleur blanc faussement compatissant qui trahi la confiance placée en lui, les relations humaines sont empreintes d'un grande douleur. Celle d'être privé de sa liberté, des siens, de sa force de travail, de sa parole, de ses peurs.
La peur, ce sentiment terrible qui ronge le cœur des hommes placés dans de bien viles conditions, exsude par tous les pores de la peau de ces êtres traités pire que des bêtes. C'est ainsi que d'espoir en désillusions, il faut lutter chaque jour pour survivre, à défaut de vivre.
L'horreur est ici terriblement humaine. Lors d'une pendaison où les esclaves déambulent comme si de rien n'était ; lors d'une fête improvisée par un maître alcoolisé qui fait danser ses esclaves comme des marionnettes ; lors d'une séance de fouet qui écorche vives les chairs et les âmes. Tout est lent, pesant, inexorable. L'immobilité devient tension dans des scènes d'une terrible beauté.
Il serait tentant de juger implacablement ces humains exploiteurs de leurs frères d'humanité. Mais les hommes sont ainsi faits, il ressentent trop souvent le besoin de dominer leurs semblables, de les écraser sous leur botte, de montrer leur puissance.
Nul besoin d'aller au XIXème siècle.
Nul besoin de se rendre au sud des Etats-Unis.
Nul besoin de blancs et de noirs.
La noirceur n'est pas sur la peau, elle est dans les cœurs. De toutes les époques. Il suffit d'ouvrir les yeux pour discerner les prémices de cette sauvagerie tout juste contenue par un semblant de civilisation. L'intolérance et le mépris furent de races, de couleur de peu, de sexe. Ils sont aujourd'hui d'orientation sexuelle, de choix politiques, de croyances religieuses.
Cette rage d'aliéner l'autre n'a pas disparue. Tapie dans l'ombre d'hideuses idées, elle ne demande qu'à resurgir dès que l'on baisse la garde.

Ce film possède, outre ses indéniables qualités esthétiques et l'excellence de ses acteurs, le mérite de nous dessiller les yeux.
A nous de conserver gravé dans nos mémoires le danger de la brute qui sommeille en l'homme.
A nous de tenir le rempart contre les vagues de la bestialité humaine.
A nous de décider que le sillon sanglant tracé par le fouet cruel de l'oppresseur soit semé d'humanité plutôt que de haine.
A nous d'ériger le bouclier de l'éducation contre l'étendard de l'obscurantisme.
Apostille
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le 24 févr. 2014

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