Il fut un temps pas si lointain où les films à oscar m’attiraient comme un pot de miel attire les abeilles.
Il fut un temps que je préfère oublier où je trouvais que la musique d’Hans Zimmer était très belle, qu’elle illustrait les combats de gladiateurs et les ballades dans les champs de blés comme nulle autre.
Il fut un temps encore plus lointain où je pouvais éprouver de l'empathie pour n’importe quelle personne subissant des traitements infamants, et où la moitié d’un film sur l’esclavage m’aurait retourné l’estomac.
Tout ça est derrière moi, maintenant je suis une grande fille, je vais voir les films à oscar avec la moue boudeuse de “la nana qui sait qu’elle vaut mieux que ça “ (mais qui n’ose pas avouer qu’en fait elle est toujours un bon pigeon, donc au final elle aimera quand même)
Je peux même soupirer en pensée aux premières notes lourdingues qui en font trop et annoncent le Hans Zimmer nouveau.
Enfin, je peux trouver que certaines scènes de torture sont trop longues, et pas assez émotives.
Oui, je suis forte!
Sauf que d’après ce que j’ai lu, mon super avis de blasée de la vie est partagé par plusieurs personnes: donc je ne suis qu’un mouton une fois de plus, ce que je prenais pour un acte de rébellion n’est en fait que la manifestation de mon appartenance à ma génération (ou à celle d’après si on considère que j’ai souvent des comportements qu’ont les gens de 10ans de moins que moi - esprit d’jeune oblige).
Bon alors avouons que je n’ai rien inventé, que j’ai regardé le film de haut après avoir lu des commentaires, et qu’en gros je ne saurai jamais ce que j’aurais pensé du film si j’y étais allée sans a priori.
N’empêche que j’ai quand même été touchée, et pas qu’une fois, par cette aventure:
plus que l’histoire du pauvre gars qui enchaine malheur sur malheur, c’est surtout le traitement presque froid qui m’a aidée à construire mes propres réflexions à côté du film (ou dirigées par lui, mais je préfère croire que je suis assez forte pour me débrouiller toute seule).
J’ai vu le 12 years a slave comme une illustration de la vie de n’importe quel homme (je ne dis pas qu’on vit tous ces atrocités hein): le héros est toujours confronté à des choix:
essayer de se sauver ou se soumettre pour limiter la souffrance, abandonner tout espoir ou chercher désespérément des raisons d’y croire, faire taire tout sentiment ou se noyer dans la masse, …
Bref autant de choix ou de non choix qu’on fait tous à des échelles différentes, mais dont la vie est parsemée. J’ai cru voir dans ce film un dilemme permanent, même si la certitude de tous c’est qu’ils veulent échapper à leur état, ils doivent toujours décider. (la "petite différence" c'est qu'ici leurs choix peuvent leur coûter la vie, ou des souffrance accrues et plus cruelles que la mort).
Si on cherche un peu, les blancs aussi font des choix, sauf qu’ils sont incarnés par différentes personnes: l’esclavagiste “gentil” mais lâche / l’esclavagiste abject mais paumé / le blanc délétaire / le gars sympa mais térrorisé (mais c’est brad Pitt donc c’est un héros - hors catégorie)
Alors que dire de tout ça?
Le film est long, et certains gros plans trainent inutilement parce que ce n’est pas à ce moment que l’émotion passe (en tout cas pas chez moi)
la musique est globalement pénible, mais se fait oublier par moments (rarement mais un peu quand même)
les acteurs sont tous formidables, on aime les vois au top, Michael Fassenberg m’a réconciliée avec lui-même (avec ses talents d’acteur, c’est à dire qu’il était proprement insupportable, tout en exprimant les faiblesses et le désespoir de son personnage).
la narration essaie de petits flash backs pour éviter le biopic chronologique: c’est pas révolutionnaire mais l’effort est appréciable
l’histoire n’est pas une surprise, on la connait avant de commencer, on a ce qu’on était venu chercher
l’émotion n’est pas où on l’attend: pour moi ça a vraiment été cette histoire de “qu’est ce que j’aurais fait à sa place?”, et il n’y a rien de pire pour moi que de me rendre compte que je ne me connais pas assez pour répondre avec certitude à cette question. (ou que je me connais trop bien pour éviter de m’avouer que mon comportement m’aurai sans doute déçue).
Un film à aimer si on oublie le côté historique our y voir le côté psychologique, et là il n’y a pas à dire, l’impact est là.