L’arrivée du président Obama a surement eu un impact sur le traitement cinématographique de sujets tels que l’esclavage et plus largement la communauté afro-américaine. En effet, en l’espace d’un an on a eu droit a pas moins de 4 films (au moins 4 sorties « remarquées ») sur ces sujets. Tarantino a lancé les hostilités avec son Django Unchained, qui n’a pas plu à tout le monde de par sa mise en scène un peu trop « romanesque? » mais aussi par la couleur de peau de son réalisateur, posant des problèmes de légitimité pour certains. Lee Daniels a décidé d’apporter sa pierre à l’édifice en racontant l’histoire de Cecil Gaines qui deviendra le majordome de la Maison-Blanche de 1952 à 1986, soit 8 présidents. Et Ryan Coogler qui clôt l’année 2013 avec Fruitvale Station, ou les dernières 24 heures de la vie d’Oscar Grant qui sera victime d’une bavure policière le 1er Janvier 2009.
Le dernier long de Steve McQueen, 12 Years a Slave, à l’instar du Majordome et de Fruitvale Station, relate une histoire vraie. Celle de Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), homme libre afro-américain vivant avec sa femme et ses 2 enfants dans le Nord-Est des Etats-Unis au milieu du 19e siècle. Violoniste de talent, Solomon va accepter l’invitation de deux hommes (blancs) à rejoindre un cirque ambulant mais ces derniers vont le droguer et le vendre comme esclave.
Cette introduction n’est pas « lourde » comme on peut le ressentir dans certains films car en plus d’être relativement courte elle est intégrée en flashback car on est devant un film qui parle de l’esclavage et qui ne veut pas être détourné de ce thème. En effet vous n’allez pas avoir le temps de vous mettre à l’aise avant d’assister à la première humiliation et scène de torture que va endurer Northup. Voilà le cinéma de Steve McQueen, prendre un sujet et le traiter à fond, sans pincettes. Dés les premières minutes on comprend qu’il ne va pas y avoir de demi mesure, autant montrer les choses telles qu’elles sont. Solomon qui se fait rouer de coups, c’est fait, exposé et vendu comme un objet, c’est fait, fouetté humilié rabaissé pour ne pas avoir ramassé assez de coton ou simplement expliquer sa situation ou son travail, c’est fait.
Car la dureté du thème arrive vite mais est également très bien étalée dans le temps afin de servir l’histoire et une réalisation que j’ai trouvé de toute beauté. En générale je ne fais pas attention aux subtilités de la mise en scène, du moins rarement lors de la première vision mais dans ce film plusieurs plans et effets de réalisation m’ont marqué. D’abord toutes les scènes de violence m’ont laissé des traces, je pense me souvenir de chacune d’elles. A chaque fois j’ai été surpris par l’intensité des images. Des scènes de pure torture comme la première fois où Solomon se fait laminer le dos juste après son enlèvement, plan serré des deux protagonistes et avalanche de coups durant plusieurs secondes. On comprend alors qu’on ne va pas échapper à ce genre de moments et on va se crisper plus d’une fois sur son siège et faire morfler les accoudoirs.
Et pourquoi ne pas profiter du talent des ses acteurs pour offrir aux spectateurs un plan séquence d’une bonne dizaine de minutes, où la tension va crescendo pour finir sur un Fassbender en feu et où son personnage, Edwin Epps, montre toute sa folie et sa perversité. Mais aussi une utilisation des seconds plans qui deviennent également très important. Ils renforcent le premier plan dans des scènes où, alors qu’un des leurs agonise au bout d’une corde au premier plan, les autres esclaves continuent tranquillement leur vie dans le fond. Cela ne fait que souligner à quel point ils sont cassés mentalement par leur maître afin de refréner toute envie de révolte. On assistera pourtant à quelques moments de rébellion de la part de Solomon envers ses différents maîtres, mais on peut surement justifier cela par le fait qu’il ait connu la liberté et non une condition d’esclave toute sa vie. Une autre fois ce second plan apporte assez subtilement une tension supplémentaire à une scène qui s’annonce déjà forte. J’ai en mémoire une apparition d’Edwin Epps (Fassbender) dans le flou de l’arrière plan lors d’une des dernières scènes du film. Il fait ressortir en une seconde toute son hostilité, juste parfait. Et pour ne pas bouder notre plaisir on a le droit à des images sublimes grâce au cadre qu’offre la Louisiane. Sa lumière éclatante qui sert les décors. Ces bayous et leurs cyprès caractéristiques (cyprès chauve pour me la péter)…des décors que McQueen va disséminer plusieurs fois dans son récit comme de courts instants de répit afin de souffler une minute avant de continuer l’histoire. Des images sur lesquelles Hans Zimmer dépose une excellente bande originale, aidé par Nicholas Britell et Tim Fain pour les morceaux de violons.
Pour terminer ma chronique, plus que subjective, je vais dire quelques mots sur le casting mais pas forcément sur l’interprétation de chacun. Je n’ai pas envie de tomber dans les banalités qu’on retrouve sur les affiches du style : « …, une révélation » ou « … dans le plus grand rôle de sa carrière » et je sais que si je commence ça finira comme cela.
Sur le papier il me vend du rêve, des nouvelles têtes en première ligne avec Chiwetel Ejiofor, qui n’est pas un débutant mais qui est rarement en premier rôle et Lupita Nyong’o (Patsey) qui pour le coup est une vraie nouvelle. J’avais tout de même une appréhension sur le reste de la distribution qui affiche quelques noms qui commencent à avoir une certaine notoriété : Paul Giamatti, Paul Dano, Benedict Cumberbatch, Brad Pitt et bien sir Michael Fassbender. J’avais tout simplement peur d’avoir un casting alléchant mais mal utilisé.
Et bien non monsieur car McQueen a décidé de privilégier l’histoire et du coup excepté Fassbender ces 4 autres acteurs ne sont que des étapes sur le parcours de Solomon Northup. Des seconds rôles qui ne manquent pas d’importance et qui vont apporter une certaine nuance dans l’Amérique du 19e siècle avant l’arrivée de Lincoln à la présidence. Giamatti, Dano et Cumberbatch campent respectivement, le vendeur d’esclaves fraichement débarqués qui ne cherche que le profit et se moque du « côté humain ». L’intendant qui seconde le propriétaire, sadique comme il n’est pas permis et avec tellement de zèle. Et le propriétaire de plantation qui sait qu’il ne peut pas aller contre le système mais cherche par de petits moyens à améliorer la vie de ses esclaves. Enfin Pitt, qui joue le rôle d’un charpentier s’opposant ouvertement aux conditions de vie des esclaves sur le domaine de Fassbender. Ce dernier véritable second rôle joue Edwin Epps, propriétaire de plantation de coton et tyran absolu réputé pour être un « casseur d’esclaves » va faire endurer un véritable enfer à Solomon et Patsey. Malgré la maladresse de ma présentation des acteurs et de leurs rôles je trouve que leur utilisation est la meilleur possible. Tout reste compréhensible ils ne se marchent pas dessus et chacun apporte une interprétation de très haut niveau.
Et comme l’a dit Jésus-Christ : « La vérité vous rendra libres ».
- Par Thibaut -