Faites de la place sur votre étagère, monsieur Mr. McQueen, les Oscars arrivent. Seront-ils mérités ? Car on le sait, Hollywood adore les films portant sur la traite des noirs. C’est à la mode. Chaque année apporte son lot de grandes oeuvres pensantes, on se souvient encore du grandiloquent Lincoln de Spielberg. Mais avec 12 Years a Slave, McQueen traite la question au plus près du problème, adaptant l’autobiographie du même nom de Solomon Northup. Musicien libre kidnappé et réduit à l’esclavage, il va vivre des années éprouvantes loin de sa famille auprès de plusieurs maitres, avant de retrouver sa liberté.
Les films portant sur l’esclavage sont nombreux, ceux issus d’histoires beaucoup moins. Ici, on est loin de l’humour d’un Django Unchained ou de la politique d’un Lincoln. Il reste donc la souffrance d’une telle injustice, qui parcourront tout le film à travers des scènes de torture à la violence aussi physique que psychologique. Dommage que l’empathie pour Solomon Northup ne semble se faire qu’à travers les flash-backs de sa vie d’homme libre, comme s’il était plus juste d’espérer plus encore la libération de Solomon que celle des autres esclaves. Car, comme il le dit lui-même, il n’est pas un esclave. Lui sait jouer du violon, lui sait lire, écrire, se tenir en société. Il ne mérite donc pas ce sort, alors que les autres esclaves sont à leur place. C’est le message implicite du personnage de Solomon Northup, qui ne perd jamais espoir alors que ses compagnons de galère semblent avoir quant à eux abandonné toute espérance. Un choix de narration qui remet en question la sincérité du propos car il sous-entend une dramatisation exacerbée qui entraîne le spectateur par la main. Sentiment renforcé par la musique d’Hans Zimmer omniprésente qui fait son apparition à chaque séquence d’émotion, comme pour dire au spectateur « tu peux compatir, tu peux pleurer ».
L’adaptation d’une histoire vraie peut être à la fois une force et une faiblesse. Ici, les douze ans d’esclavage subis par Solomon ne paraissent pas être aussi longs, à cause d’ellipses mal maitrisées, bien présentes mais qu’on a du mal à comprendre. De plus, l’adaptation de cette histoire à l’allure romanesque était un piège parfait dans lequel McQueen est tombé, puisqu’il ne résiste pas à certains grands mécanismes qui font le bonheur d’Hollywood, notamment dans la conclusion, happy end aussi inutile qu’exaspérant.
Evidemment, tout n’est pas noir, la réalisation académique réserve tout de même quelques séquences impressionnantes, par exemple dans ses scènes de torture, qui s’étirent interminablement dans des plans séquences aussi dérangeants que lourds de sens. Le casting quatre étoiles s’avère efficace, bien que Fassbender se détache du lot avec une interprétation fiévreuse et toute en ambiguïté de son personnage de tortionnaire.
Brad Pitt, en tant que producteur du film, avait bien le droit à son petit rôle. Il apparaît ici comme le sauveur de Solomon, un canadien abolitionniste qui va l’aider à s’affranchir de sa condition. Dommage que le personnage n’ait pas été plus travaillé, et qu’il semble tomber du ciel. Le dénouement en est précipité et on est pris au dépourvu par la « facilité » avec laquelle Solomon est sauvé.
Si Steve McQueen nous avait habitué à un style moins conformiste, on ne peut pas se plaindre que le film soit mauvais. Sans faire tâche dans la filmographie du réalisateur, 12 Years a Slave n’est toutefois pas le chef d’oeuvre annoncé, mais ne devrait avoir aucun problème à passer par la case Oscars.