Deux personnages tout beaux tout pimpants en Roméo et Juliette de banlieue-dortoir, quelques scènes de grâce (1) parfois à deux doigts de basculer dans le kitsch ou l’embarrassant (2), et une bande originale qu’on qualifiera pudiquement d’éclectique ou de mitigée. À l’image du film et peut-être de 90 % de la production culturelle de la Russie post-soviétique : un mélange de subtilité contemplative et d’excès. Au moins évite-t-on les poncifs du cinéma social. (Andreï Zaitsev n’est peut-être pas Tarkovski, mais au moins il n’est pas Ken Loach.)
Formellement, le film alterne ainsi entre trouvailles de bon aloi – les dix premières minutes – et facilités dignes d’une telenovela brésilienne. Scénaristiquement, c’est la même chose : au lieu d’exploiter son sens de l’ellipse et de creuser ses thèmes, qui n’ont certes rien de bien nouveau – le silence, l’adolescence (3) –, la narration s’attarde ainsi sur une bande de méchants très méchants qui ne savent pas plus que le spectateur ce qu’ils font là.
Dommage, parce que l’utilisation des clichés, parfois clairement tournés en dérision, parfois inévitables au moins pour camper les personnages, parfois problématiques dans le sens où ils n’appartiennent à aucune de ces deux catégories (4) est plutôt intéressante. Pour quiconque cherche des scènes où un adolescent ne saisit aucune des perches tendues par la fille qu’il aime et qui l’aime, parce qu’il ne comprend pas, le film se révèle une mine d’or. (Et il pourrait rappeler des souvenirs à certains.)
On est peut-être moins indulgent avec les œuvres dont on attend quelque chose, et j’attendais de 14 ans quelque chose de plus. Cela dit, le film se laisse voir – et entendre – et arrive parfois à être volontairement drôle, ce qui semble hors de portée de tout film français sérieux sur le sujet.
(1) Celles qui se passent dans l’escalier : le cache-cache visuel, les adieux par timidité ; la remarquable scène où Aliocha et Vika sont à scooter et que le regard de Vika croise un temps celui d’une passagère du bus.
(2) On n’est jamais aussi près du basculement que lorsque Vika est chez Aliocha.
(3) Au spectateur curieux et qui aime prendre les choses de biais, je propose un angle d’approche pour une critique de 14 ans : les vêtements.
(4) Exemples respectifs : 1° les mines patibulaires du père et du frère de Vika, 2° la scène de l’épicerie, 3° la courte scène du métro ou celle des framboises.