Juliette et Roméo
Roméo et Juliette des temps modernes, 16 ans marque une nouvelle inspiration dans l’œuvre de Philippe Lioret, même si, et ce n'est pas une surprise, l'aspect social n'est pas absent. Il est même au...
le 7 nov. 2022
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Les textes de Shakespeare continuent toujours de séduire et d'inspirer les auteurs souhaitant concilier leurs thématiques tragiques à leur environnement contemporain. C'est en tout cas ce que cherche Philippe Lioret (Je vais bien, ne t'en fais pas, Welcome, Le Fils de Jean), fasciné par l'émotion capturée dans le vif. Il ne reculera pas devant tant une pareille initiative, qui n’a pas non plus poussé Steven Spielberg à décliner son « Roméo et Juliette » à ce siècle. Il joue le jeu à fond et porte le mérite d’avoir réussi ce premier pari d’écriture, qui viendra fatalement se heurter à des détails qui fâchent un peu plus.
Le cinéaste aura beau insister sur sa caméra « invisible », elle n’est pas à la hauteur de celle employée par Laura Wandel dans « Un Monde ». De même, ce dernier ne parvient pas entièrement à installer une fluidité et une cohérence dans les dialogues. Les séquences au supermarché rencontrent d’ailleurs ces limites d’écriture. On ressent, malgré tous ces efforts, le cinéma transpirer dans le cadre, à la limite d’une œuvre télévisuelle, consistant à suivre des personnages de dos, sans qu’on leur accorde un véritable parti-pris de mise en scène. Une fois ces faiblesses digérées, il est possible de s’attarder sur le cœur du projet, où deux amants maudits ne sont que des adolescents, qui entrent à peine au lycée. Nora (Sabrina Levoye) et Léo (Teïlo Azaïs) finissent par se croiser d’un regard furtif, mais le coup de foudre se révèle aussi expéditif que négligé. Et à ce niveau-là, c’est le reste du récit qui rame à restituer toutes les émotions que le duo doit dégager.
Les comédiens s’appliquent, mais l’alchimie n’est pas instantanée, contrairement aux monuments « West Side Story ». Les sensations qui montent au creux des reins fuitent et le partage des centres d'intérêt s’évaporent dans une playlist, fortement symbolique, mais aléatoirement introduite. On y évoque des options linguistiques, artistiques et culturelles, pourtant l’école paraît si fantomatique, avec le minimum d’interactions possible. À mi-chemin de leur foyer et de leur milieu social respectif, on ne leur accorde aucunement ce jardin secret qui pourrait les unir, à la lumière du jour. Mais c’est en établissant intelligemment le tableau d’un milieu carcéral de chaque côté que l’on vient à se persuader que tout n’est pas perdu.
L’amour est interdit et reste verrouillé derrière une porte. Un frère (Nassim Lyes) s’élance sans retenu pour survivre, les pères (Jean-Pierre Lorit et Arsène Mosca) chutent à cause d’un statut de dogmes qu’ils cherchaient à entretenir, ou à peut-être contenir. Les mères n’y parviennent pas et c’est donc à l’âge de « 16 ans », que les amoureux gagnent et perdent à la fois leur indépendance et leur intimité. Les tensions post-attentats ont dégradé beaucoup de foyers maghrébins et ont créé suffisamment de doute dans l’inconscient collectif pour que Lioret s’empare de cette escalade de violence et de manque de confiance pour réécrire une tragédie, qui retrouve son lot de sincérité dans son run ultime, à l’image d’un Belmondo à bout de souffle, sans jamais capituler.
Créée
le 6 janv. 2023
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