Tout film sur la guerre est à la fois une ode et une dénonciation (à part les films de propagande évidemment) de ces massacres qui font s'entretuer des milliers, même des millions, de jeunes personnes pour satisfaire les caprices de lunatiques qui se croient un droit de vie et de mort sur leurs citoyens.
Peu importe à quel point le réalisateur nous montre l'horreur du combat, les conséquences innomables et toutes les vies brisées, de manière suggérée ou viscérale, un film de guerre glorifie toujours malgré lui l'acte qu'il dénonce, car il crée une dramaturgie et un propos fort, qui ne peut exister que dans le cadre de cette horreur.
Cela dit, "1917" se distingue par son point de vue, qui s'attache à nous faire suivre un soldat pendant toute la durée de sa mission, ne le lâchant que très peu du regard et ne s'éloignant jamais de lui plus de quelques secondes.
Sam Mendes et le directeur de la photographie Roger Deakins nous offrent un spectacle visuel éblouissant, d'une beauté et d'une richesse incroyable comme toujours avec ce duo.
Une très bonne illustration du caractère paradoxal d'un film de guerre, où l'horreur prend une ampleur macabre magnifique et dramatique à travers les images.
Entièrement tourné en plan-séquence (avec quelques coupures invisibles nécessaires afin de parer aux problèmes techniques lors des séquences d'action), "1917" s'attache entièrement à nous présenter le point de vue strictement humain et à toute petite échelle du grand conflit qui a déchiré l'Europe et le monde (et dont les leçons n'auront pas été tirées).
Les doutes du soldat, sa lassitude face à la guerre qui s'éternise, son sens du devoir envers ses camarades, le courage qu'il montre face à l'adversité, sa sensibilité malgré les horreurs qu'il a traversé... Il s'agit d'une personne entière, pleinement développée, qui fait des erreurs, qui a peur, mais qui continue de se battre envers et contre tout. Non pas pour une nation ou par patriotisme, mais parce que d'autres ont besoin de lui.
Oui, il y a de la beauté dans l'horreur, mais est-ce qu'elle vaut réellement la peine d'en payer le prix du sang pour y assister ?
Le film ne se pose pas vraiment ces questions. Il laisse à chacun le soin de se faire sa propre opinion, de projeter son propre ressenti, de confronter sa sensibilité à celle du regard du soldat. Les ennemis de l'anglais sont des sans-visages, qui ne pensent qu'à le tuer. Les autres soldats sont des camarades qui sont là malgré eux et qui ne rêvent que de voir la guerre se terminer. Des gens meurent, des soldats sont tués, des civils sont pris entre deux feux, et au final, tout le monde est à à la fois coupable et innocent.
La fin est particulièrement forte, loin de l'image glorieuse de la mission menée à bien et les honneurs qui auraient pu l'accompagner. Il ne s'agit que d'un épisode du conflit, qui ne vient en aucun cas y mettre un terme, seulement un chapitre dans cette sanglante boucherie qui a sacrifié tellement de gens.
Si tous les films de guerre glorifient malgré eux le conflit, "1917" fait partie des moins complaisants et qui prennent le plus de distance, paradoxalement en nous rapprochant au plus près de l'horreur. Il y a une forme de distanciation émotionnelle qui se crée, une capacité de nous faire oublier l'idée de guerre tout en nous la rappelant constamment. Une expérience particulière, et qui vaut vraiment la peine d'être vécue, afin de confronter son propre ressenti sur la question.
Un superbe film à beaucoup de niveaux, accompagné d'une musique atmosphérique discrète et puissante à la fois, et porté par un acteur dont les expressions sur le visage rendent parfaitement toute la détermination et la lassitude qu'un être humain peut ressentir dans ces conditions extrêmes.
Probablement un des rares films de guerre qui fait réellement réfléchir sur la nature de la guerre, et pas sur les raisons qui y ont menées.