Drôle de titre ? Parce que les protagonistes de ce film ne sont pas des seigneurs, mais de simples caporaux, des estafettes sans autre pouvoir que celui que leur donne leur mission ? Mais pourquoi une estafette ne pourrait-elle pas être considérées comme un seigneur, dans son genre ?
D'autres que moi, ici, ont beaucoup insisté sur la façon de filmer de Mendes, sur le fait que le film ne soit qu'un faux plan-séquence. Ma première réaction a été de penser "mais je m'en contrefiche, je n'y connais rien en technique cinématographique". Et puis... Et puis, je me suis rendue compte que cette façon de filmer fait de 1917 le film le plus subjectif qui soit. 1917 ne montre pas la Grande Guerre en tant que telle, avec ses horreurs politiques et militaires, ses millions de morts, ses gueules cassées. 1917 ne montre pas Will Scoffield dans la grande guerre. 1917 nous montre la Grande Guerre au travers des yeux de Will Scoffield, simple estafette choisie par son camarade (qui, lui, n'a pas été choisi au hasard par l'état-major) pour l'accompagner dans une mission à laquelle il ne croit même pas, mais qu'il accomplira quand même. En traînant des pieds, au début. Parce qu'il en a reçu l'ordre. Parce qu'il est un soldat. Parce que c'est la guerre. Parce qu'on n'abandonne pas ses camarades. Parce que, qui sait, ces hommes qu'il contribuera à sauver, pour un jour, pour trois jours, seront peut-être sauvés pour de bon ? Parce que c'est ainsi que le grand-père Mendes l'a perçue, cette guerre, et ainsi qu'il l'a racontée à son petit-fils ?
Scoffield n'est pas un chevalier sans peur et sans reproche. C'est un jeune homme, un gamin à mes yeux, qui a déjà vécu plusieurs années d'horreur. Un garçon qui ne croit plus en grand chose. Un anonyme, parmi des millions d'anonymes, perdu, seul, après la mort de son compagnon, dans un pays qu'il ne connaît pas, dont il ne comprend pas la langue, où l'ennemi (car c'est la guerre, et en temps de guerre, un ennemi est un ennemi, qui vous tuera si vous ne le tuez pas d'abord, comme s'en rendra compte, trop tard, le malheureux et encore idéaliste Blake) peut se cacher n'importe où. Un jeune homme pour qui (et c'est ainsi que je l'ai ressenti), un village en flammes a des allures d'enfer de Dante, et une simple rivière se transforme en torrent sauvage.
Scoffield accomplira sa mission, empêchera un régiment d'être massacré par l'ennemi, et retrouvera le frère de son ami mort.
Auquel il remettra les anneaux que celui-ci portait.