Le film est très beau visuellement. Il est monté comme un long plan séquence où l'on parcourt avec les deux principaux protagonistes vers puis à l'arrière de la ligne de front allemande abandonnée lors de l'opération Alberich (repli stratégique vers une position mieux défendable - la ligne Hindenburg - ayant aussi l'avantage de réduire la ligne de front de 50 km et de mettre en réserve des unités).
1917 montre une réalité certaine de la guerre : le bourbier du No Man's Land, la politique de la terre brûlée menée lors du repli allemand, les vagues d'assaut vouées à l'échec. Mais tout cela est un peu trop beau et trop propre malgré tout. De même que la mission des deux soldats est quelque peu étrange : rejoindre un régiment si isolé qu'il ne peut être contacté par l'état-major et qui court à sa perte car la nouvelle ligne de défense allemande lui est inconnue. C'est surprenant car une scène met à l'honneur la supériorité des Alliés dans les airs, et la ligne Hindenburg ne s'est pas construite du jour au lendemain. On imagine difficilement un régiment progresser sans soutien logistique et sans artillerie. D'ailleurs, je me demande comment le 2nd Devons a pu creuser une si belle tranchée dans la pierre aussi vite, surtout à portée de canons.
1917 est visuellement et techniquement très réussi (notamment la scène nocturne dans la ville d'Écoust dévastée et illuminée par les fusées éclairantes : d'une beauté onirique) et bien porté par l'acteur principal, très convainquant, j'ai donc hésité à lui donner une meilleure note (j'hésite entre 6 et 7). Mais quand je visionne un film historique ou tiré de faits réels je ne peux m'empêcher de vérifier ensuite quelle est la part du vrai, quelle est la part du faux. Et la fiction l'emporte souvent sur la réalité, à mon grand regret... C'est donc le cas de 1917, cf : http://www.museelignehindenburg.fr/%C3%89V%C3%89NEMENTS. C'est dommage car je ne peux m'empêcher de penser qu'une période ou un fait bien documentés doivent être mis à l'honneur de manière fidèle et réaliste, et non servir simplement de décor pour qu'une autre fable puisse s'y dérouler.
Apparemment 1917 a pour idée de départ des anecdotes de guerre racontées à Sam Mendes enfant par son grand-père vétéran, dont une racontant un messager traversant les lignes ennemies. D'où cette teinte de fantasmagorie ? Je pense notamment au moment où le héros rejoint le 2nd Devons, où tous écoutent religieusement The Wayfaring Stranger, oublieux de tout (même du héros approchant), se demandant s'ils retourneront un jour chez eux, puis partent pour donner l'assaut.