A l'inverse du récent Gravity, auquel on l'a fatalement comparé ; et quoi que son titre puisse laisser penser, 2001 n'est pas un film faisant de l'espace le coeur de son sujet.
Et bien entendu, c'est encore moins un film catastrophe, contrairement à celui de Cuaron.

2001 s'attaque plutôt aux vertigineuses interrogations métaphysiques suscitées par le développement de certaines disciplines scientifiques, lesquelles remettent en question les attributs du Vivant et de l'Intelligence, leurs conditions d'apparition et leurs possibles évolutions - sur Terre mais surtout ailleurs.
Questionnements aux ramifications ô combien nombreuses, mais que le film parvient à quasiment toutes embrasser et évoquer, grâce à sa grammaire unique qui passe presque exclusivement par le non-verbal. Au langage, toujours trop univoque, se substitue ainsi le symbolisme ouvert et polysémique des images et de leurs associations.
En d'autres termes : aussi déroutant qu'il puisse paraître au premier abord, avec son économie de mots, le film n'en tient pas moins un discours bien précis et finement ciselé, comme l'avait d'ailleurs confirmé Kubrick de son vivant : "In a subsequent discussion of the film with Joseph Gelmis, Kubrick said his main aim was to avoid 'intellectual verbalization' and reach 'the viewer's subconscious'. However, he said he did not deliberately strive for ambiguity- it was simply an inevitable outcome of making the film nonverbal, though he acknowledged this ambiguity was an invaluable asset to the film." (extrait de l'article Wikipedia sur le film).

Du discours sur le progrès et la connaissance, présent dès la première séquence avec les singes (l'outil ayant vite fait d'être transformé en arme) ; à la singularité (avec HAL 9000) ; en passant par la place de l'espèce humaine au sein de la grande évolution du Vivant et de l'Intelligence à travers l'univers tout entier (évolution dont l'humanité n'est qu'un support, une étape), le film regorge ainsi de thèmes quasi-éternels*.
Tout ça, bien sûr, avec le talent formel de Kubrick : composition des plans, choix de design... Et surtout, choix des musiques ; notamment "Ainsi parlait Zarathoustra", qui ouvre et clos le film de manière magistrale, tout en faisant référence au texte éponyme de Nietzsche (dont le concept de "surhomme" fait étrangement écho à la question de l'Evolution du Vivant et de l'Intelligence).

Bref, ne nous y trompons pas : 2001 est une odyssée de la Vie (mais entendue dans l'espace de l'univers tout entier, et non simplement l'espace terrestre).
Et sa construction formelle n'en est d'ailleurs pas le moindre des indices : http://www.imagesjournal.com/issue09/features/2001/


NB : une analyse en vidéo un peu hallucinée de 2001 : http://vimeo.com/40537615
Elle a cependant le mérite de montrer (notamment dans les 10 dernières minutes) comment Kubrick a réussi à faire écho, dans la construction même du film, à des structures et des symboles que l'on retrouve de manière récurrente dans de nombreuses croyances / religions (alchimiste du moyen-âge, kabbale, islam). D'où son pouvoir d'évocation et les innombrables interprétations possibles.
On trouve également dans cette vidéo une thèse intéressante selon laquelle le monolithe et son pouvoir de transformation renvoient au cinéma / au film lui-même et à leur effet sur le spectateur (cf. les dimensions du monolithe, identiques à celles de l'écran ; ou encore son absence dans le plan d'ouverture, malgré l'alignement des planètes, car c'est en réalité l'écran de projection qui remplit son rôle).
Observation qui, chez d'autre, donne lieu à pas mal d'autres théories échevelées et conspirationnistes : http://2001.a-false-flag-odyssey.com/

*: la réflexion sur la place de l'espèce humaine comme simple support dans le grand dessein de propagation de l'Intelligence - qui peut paraître un peu absconse de prime abord - est assez bien explicitée dans Totalement Inhumaine, de JM Truong, dont voici un bref résumé : http://www.senscritique.com/livre/Totalement_inhumaine/critique/13449477
Alex_Dlmr
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Films

Créée

le 20 juil. 2012

Modifiée

le 8 nov. 2014

Critique lue 388 fois

5 j'aime

Alex Dlmr

Écrit par

Critique lue 388 fois

5

D'autres avis sur 2001 : L'Odyssée de l'espace

2001 : L'Odyssée de l'espace
Hypérion
10

Je crois en L'Odyssée de l'espace...

2001 L'Odyssée de l'espace, c'est un acte de foi, tout simplement. Kubrick a lui même donné la plus parfaite définition de son film : J'ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne...

le 28 sept. 2011

276 j'aime

45

2001 : L'Odyssée de l'espace
HarmonySly
10

Critique de 2001 : L'Odyssée de l'espace par HarmonySly

Impossible d'appliquer un système de notation "standard" à 2001. Entre le 1 et le 10, 8 critères de notation en trop : ce film, on l'aime ou on le déteste, mais comme à l'accoutumée dans la...

le 5 mai 2010

178 j'aime

53

2001 : L'Odyssée de l'espace
Akami
5

Critique de 2001 : L'Odyssée de l'espace par Akami

Après avoir vu ce film, j'ai couru tout nu dans mon appartement (sans crier parce que ma copine dormait à côté). Au moins, ça ne m'aura pas laissé indifférent.

le 17 oct. 2010

175 j'aime

15

Du même critique

BioShock Infinite
Alex_Dlmr
6

Le syndrôme Nolan

NB : contient de (gros) spoilers - du moins pour ceux qui ne voient pas venir les grosses ficelles. Ça commençait pourtant pas si mal, avec une ville à l'ambiance bien particulière, mélange...

le 2 avr. 2013

31 j'aime

3

Dishonored : Les Sorcières de Brigmore
Alex_Dlmr
8

L'aboutissement de Dishonored, au propre comme au figuré

Comme la précédente partie des aventures de Daud, ce DLC présente un contenu très honnête : 3 missions à peu près égales en contenu à 3 missions du jeu d'origine (= soit 1/3 de Dishonored). Mais il...

le 14 août 2013

20 j'aime

2

Pacific Rim
Alex_Dlmr
3

King Of The Monsters: The Movie

Sérieusement : ai-je rêvé l'époque où on pouvait encore avoir des films spectaculaires et pas trop cons (les vieux Star Wars, Die Hard 1 et 3, Matrix 1er du nom etc.) ? En tout cas, Pacific Rim...

le 3 août 2013

12 j'aime

2