Le premier mot qui me vient à l'esprit est... "perfection". Bon OK, il y a parti pris, je suis féru de SF mais tout de même, Kubrick signe ici le seul film qui se rapproche autant de ce qu'on peut attendre d'un récit de Science-Fiction. Fable métaphysique et délire visuel, voilà qui résume assez bien le génie de cet oeuvre. Fruit de la collaboration entre Arthur C. Clarke, auteur renommé de Science-Fiction, et Stanley Kubrick lui-même, le scénario est sans faille, même si la lecture du livre de Clarke s'avère nécessaire par la suite pour éclaircir certains aspects. D'ailleurs notons au passage que dans ce livre le théâtre des opérations passe de Jupiter & Io à Saturne & Japet...

Le film est découpé en 5 parties assez distinctes et qu'il convient d'analyser séparément.

Tout d'abord le début avec les primates, partie qui rebute d'ailleurs la plupart des gens, est globalement assez bien réalisé, même les maquillages, pour un film de 1967, sont bluffant. Les prises de vues s'adaptent aux étendues vierges et aux comportements bestiaux de ce conflit entre tribus. Jusqu'à l'apparition du monolithe où même la caméra se fait plus extatique, comme pour participer au désarroi et à la fascination des primates qui accèdent à la conscience, de manière bien subversive d'ailleurs : par les armes.

Ensuite on fait un bond de plusieurs dizaines de milliers d'années pour se retrouver en 2001 à l'approche d'une station spatiale orbitale. Le temps semble suspendu et le choix de musiques symphoniques, en particulier les valses de Strauss, s'appliquent parfaitement à la situation. A se demander si elles n'ont pas été inconsciemment composées à l'époque pour ça! La réalisation est impeccable, la froideur de l'espace (saupoudrée d'un soupçon de kitsch 70 malgré tout) extrêmement bien rendue (on touchera la perfection dans la 4° partie). Comme tout au long du film, les dialogues sont courts et simples et on à l'impression que chaque mot a été pesé, étudié afin qu'il prenne tout son sens. On sent l'ombre de Kubrick derrière chaque acteur, comme s'il jouait au travers de chacun des acteurs (pour la plupart d'illustres inconnus comme d'habitude). Ce côté hypnotique renforce d'autant plus l'aura du film. Que dire des effets spéciaux, qui même s'ils datent, font encore autant d'effet que toutes ses armées d'images informatiques qu'on nous sert par paquets 1000 de nos jours.

Nous nous retrouvons après cela dans ce que je qualifierai de phase de transition. L'intrigue à proprement parler s'installe, laissant planer le mystère sur la "découverte" lunaire. L'ensemble est extrêmement bien desservi par la musique de György Ligeti, envoûtante au possible. Je trouve cette partie exclusivement sonore. Entre les sirènes stridentes qui accompagnent les approches du module lunaire et du vaisseau sur la base de Clavius, le son feutré des dialogues dont le contenu semble en complet décalage avec l'importance de la découverte qui les attend, et enfin le cri strident du monolithe émis vers son "confrère" au point de Lagrange entre Jupiter et Io au moment où la lumière du soleil l'effleure après des millions d'années d'enfouissement sous-terrain parachève cette partie magistrale!

Une coupure nette et on se retrouve dans un vaisseau en partance pour Jupiter (à ce moment du film on ne sait rien de l'objet de la mission, ni de la présence d'un éventuel monolithe). On découvre l'élément déclencheur du problème l'intelligence artificielle HAL9000, fleuron de la technologie, sensé gérer l'ensemble du fonctionnement de base du vaisseau. Les plans en fish-eye rendent oppressante comme il se doit l'ambiance à bord du vaisseau. On peut ressentir l'impression latente de claustrophobie qui pourrait atteindre les 2 seules âmes éveillées à bord, les scientifiques étant en état d'hibernation. Les plans sur l'oeil de HAL donnent cette âme froide que l'on a coutume d'associer aux machines, et puis au fil du délire paranoïaque de cette IA avant l'heure on finit par ressentir de l'orgueil, de la déception et puis finalement de la crainte, cette peur viscérale de mourir quand Dave Bowman met fin aux fonctions avancées du cerveau de HAL. Cette entreprise ne serait rien sans la maîtrise aiguë de Kubrick de la caméra, des éclairages froids et surtout de l'incroyable précision scientifique qui caractérise le film dans son intégralité. Cette scène ou Dave Bowman part récupérer son défunt coéquipier Frank Poole dans l'espace et où il se voit refuser l'accès du vaisseau par HAL est un pur bijou. Le crescendo des alarmes et autres bips du module spatial soudainement assourdis par l' "espace" font partie de ces éléments qui font l'unicité de ce film dans la pléthore de farces science-fictionnesques que le cinéma n'a pas manqué de nous servir depuis.

Finalement Dave Bowman achève la mission, seul, et entre en contact avec le monolithe et on sait enfin ce dont il est question... enfin on aimerait car la fin, tout en étant hypnotique, fascinante, elle n'en reste pas moins assez indigeste. Au niveau réalisation, on est dans quelque chose d'assez simpliste mais pourtant diablement efficace! La voyage visuel auquel il nous est donné de participer est d'une qualité sans précédent (et sans suivant d'ailleurs...). Le point final de l'appartement façon chambre d'hôpital est un moment de pure jouissance cinématographique, dans son étrangeté, l'univers sonore déployé et le jeu puissant de Keir Dullea y est pour beaucoup!

Pour conclure, vous l'aurez compris, ce film est une bête rare, le genre d'expérience qu'il est recommandé de vivre au moins une fois dans sa vie, même si on n'aime pas. Attention ce genre de film ne se regarde surtout pas the TF1 way (comme tous les films d'ailleurs mais là mention spéciale) : on coupe le téléphone, on se barricade, on se cale bien peinard et on savoure!

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le 6 mai 2010

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Ghadzoeux

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