Dans les années 1960 Herschell Gordon Lewis amenait le gore dans l’horreur, dans des productions qui ne taillaient pas dans la dentelle, loin de là. Two Thousand Maniacs était de ceux-là. Sorti en 1964, le film eut droit à son remake en 2005 avec Tim Sullivan. Les deux sont assez différents d’un point de vue visuel, bien évidemment, mais le coeur est là, avec les habitants de Pleasant Valley qui attirent à eux les américains de passage pour leur faire subir milles tortures grotesques et leur croquer le mollet. Menés par le grandiloquent Maire George W. Buckman, les deux films rejouaient l’opposition entre le Sud terre de cinglés et les Yankees du Nord un peu hautains, avec la révélation que ces habitants avaient été tués et maudits pendant la Guerre de sécession par des renégats de l’armée des confédérés.

Tous deux sont des farces grandguignolesques, à l’humour noir et rouge sang, avec des personnages cabotins. Celui de 1964 surprend par son audace hystérique mais son remake reste recommandable.

Cinq ans après, Tim Sullivan remet le couvert à la table des cannibales. Mais malgré ses quelques qualités, son budget minuscule et ses douze jours de tournage entraînent une suite vaguement sympathique, selon ses appétences, mais tout de même un peu trop transparente.

La ville de Pleasant Valley participait au charme des deux films précédents, cette ville du Sud aux allures accueillantes, parées des couleurs et des décorations de la fête locale. Mais dont les murs cachaient des scènes de barbaries grotesques et dont les attractions de fêtes foraines se payaient au prix du sang.

Il nous faut donc quitter Pleasant Valley. Sous prétexte qu’ils n’arrivent plus à attirer les Yankees dans leur ville, un certain nombre d’habitants parmi les plus déjantés décident de quitter leur lieu pour aller à la chasse. Il est curieux que cela soit possible pour des gens maudits depuis près de 150 ans, mais soit. Cette folle équipe va donc s’installer dans un champ, montant chapiteaux vaguement décorées de mobiliers et de symboles sudistes. Entre les belles maisons et des grandes tentes de forains sans le sous, le charme n’est plus le même.

Leur cible est tout de suite plus intéressante car une équipe de tournage d’émission de téléréalité va se retrouver dans leurs filets, suite à la crevaison d’un pneu de leurs bus. L’émission en question est une évidente parodie de The Simple Life, où deux héritières quittaient leur monde de la jet-set pour l’Amérique profonde. Les deux filles en question sont des sosies de Paris Hilton et de Nicole Richie, peut-être en encore plus gourdes encore, mais pas forcément méchantes. Il y a des allusions à leur vie d’héritière, à des sex tapes et même à leur affection pour des petits chiens, et ici si ce n’est pas un chihuahua ce n’est pas bien grave, car il est empaillé. Le reste de l’équipe est du même tonneau, entre le réalisateur aux grosses rouflaquettes pour bien faire comprendre qu’il est juif, à la productrice hystérique mais aux penchants lesbiens ou au chauffeur de bus, un Latino énervé dont l’accent en voix française est une horreur imbitable.

The Simple Life s’est arrêté en 2007, mais pour qui a les références, c’est assez amusant, sinon le film fonctionne très bien pour ceux qui ne les ont pas. Que ce genre d’émissions un peu conconnes soit mise en pièces est assez réjouissant, d’autant plus par les dégénérés exilés de Pleasant Valley. Entre le maire grandiloquent, la mamy obsédée sexuelle, le jeune homme amoureux et amant d’un mouton empaillé, d’un vétérinaire flippant, et d’autres, la galerie de freaks est large.

Bien entendu, l’histoire qui relie tous ces gens, entre massacreurs et proies n’est qu’un prétexte, un vague fil dont on ne s’inquiétera pas de la minceur. Le ton est faussement provocateur, immature dans sa violence et sa sensualité, dans une outrance complètement assumée, mais qui n’est pas à mettre dans les plus chastes mains. Les dialogues sont très crus, remplis de répliques exagérées voire grotesques, qu’il faut apprécier un peu goguenard. Il y sera souvent question de moules et de chocolat à déguster, et il n’est pas question de pâtisseries. Ou bien ces délicates sorties, « ça les fait mouiller comme un marais » ou pendant une partie de jambes en l’air « plus vite mon petit pois sauteur ». Et celle-ci, répétée une dernière fois pendant le générique de fin car elle le vaut bien : « Suce mon Sud ».

Le film est d’ailleurs plus amusant quand il enrobe ces répliques grossières d’allusions au sud, tels des péquenauds cinglés qui n’oublieraient pas d’où ils viennent. Mais à trop vouloir en faire le film leur place aussi dans leur sale bouche des répliques en lien avec le monde moderne, comme ce « cours Forrest », assez mal appropriés.

En tout cas ça jure et ça parle de cul, et le film ne se contente pas d’en parler, il en montre. Bien sur, pas de sexes, quelques étreintes passionnées sont présentes mais filmées sans trop en montrer. Par contre en dehors de la grand-mère je crois que toutes les actrices montrent leurs poitrines, certains acteurs aussi mais ce n’est pas pareil. Le film titille aussi un érotisme un peu salace, avec des filles lascives, quelques attouchements qui se veulent sensuels. Les filles se dévoilent facilement, les plans s’attardent bien sur certaines régions, avec quelques scènes coquines voire grotesques. Quel dommage qu’une fois encore ce soit en grande partie la fête du sein siliconé, y compris chez les habitantes maudites de Pleasant Valley depuis plusieurs générations.

On ne peut pas dire d’ailleurs que la réalisation de Tim Sullivan soit de qualité, les limites d’un budget réduit et d’un tournage en quelques jours se voient. Il n’y a pas de recherche particulière de proposer quoi que ce soit, la photographie est quelconque, les décors assez quelconques avec ces grands chapiteaux. Les comédiens semblent un peu livrés à eux-mêmes, sans guère de prises pour s’améliorer, mais c’est aussi ce qui fait son charme un peu déglingué.

Le film offre tout de même une distribution assez intéressante. Le maire n’est plus joué par Robert Englund, le Freddy Krueger, mais c’est une autre référence du genre qui prend sa place avec Bill Moseley (Massacre à la tronçonneuse 2, les films de Rob Zombie) et qui cabotine comme à son habitude et pour notre grand plaisir. Lin Shaye est une habituée des films d’horreurs (les Griffes de la Nuit) et des comédies potaches (Dumb and Dumber, Mary à tout prix), elle joue la grand-mère lubrique. On y trouve aussi Ahmed Best dont la carrière aura été détruite par le personnage le plus détesté des geeks des années 1990 et 2000, Jar Jar Banks, qu’il doublait.

Heureusement, le film est assez généreux sur le grotesque. Le contraire aurait été discriminant et passible d’un coup de hache dans le crâne. Les morts sont des jeux mortels, au détriment d’une équipe technique suffisamment nombreuse pour s’assurer qu’il y aura régulièrement des exécutions. La première, avec une personne coincé dans un tonneau percé de grands clous et poussé sur une pente donne le la. Le film n’est pas à la hauteur des autres versions, mais tout de même, même si c’est un peu rapide, la majorité des morts sont exagérées, perfides et sanglantes à souhait. Ces habitants de Pleasant Valley sont des sadiques, qui aiment jouer avec leurs proies, pour notre plus grand bonheur.

Alors oui, certes, 2001 Maniacs : Field of Screams n’est pas un grand film, il est tellement fauché qu’on voit le fonds de ses poches. A bien des égards il est terriblement maladroit. Mais il a aussi cette décontraction dans l’horreur et la bêtise, cette exagération du pire, son immaturité portée à des niveaux au-delà du raisonnable, qui le rend malgré tout assez amusant si on est prêt à l’accepter. Le générique de fin annonçait une suite, dommage, cela n’a pas eu lieu. Jusqu’à une équipe décide de faire revivre ces foutus cinglés de Pleasant Valley ?

SimplySmackkk
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le 12 août 2023

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