Les films catastrophe constituent un genre bien défini dans le cinéma américain. Ils rendent possible la mise en scène de destructions et de la mise à mort de personnages (innocents ou vils), ce qui est souvent cathartique autant qu'effrayant, mais s'apparente parfois à un plaisir coupable. Au fil des décennies, on pensait avoir fait le tour grâce à des films ciblés, plus ou moins crédibles, mais toujours spectaculaires : incendies (La Tour infernale, Tunnel), tremblements de terre (Earthquake), tornades (Twister), naufrages (Titanic), éruptions (Volcano, Le Pic de Dante), impacts (Armageddon, Deep Impact), tsunamis (The Wave), glaciations (Le jour d'après), gros coup de chaleur (Prédictions) ou attaques de requins volants. Hum. Les plus audacieux osaient la double peine : impact ET tsunami, par exemple.
Mais Roland Emmerich aime la démesure. Un concept : la fin du monde (très original). Une approche : les plaques tectoniques partent en sucettes à cause des méchants neutrinos qui ramollissent probablement l'asthénosphère (ou autre chose, allez savoir ?), provoquant une catastrophe absolue à l'échelle mondiale à échéance proche : 2012 (comme prévu par le calendrier Maya, quel heureux hasard). Faute d'y pouvoir quoi que ce soit, la solution trouvée par les puissances mondiales est limpide :
sauver 1) une sélection du patrimoine culturel mondial (bravo), 2) des couples d'animaux (merci Noé) et surtout 3) la vie de quelques centaines de milliers de super riches et de politiciens et autres planqués (ce qui est le plus crédible), sans prévenir le public pour éviter la panique (ben voyons).
Bon, pourquoi pas. L'avantage, pour le réalisateur, c'est que cette situation rend possible toutes les catastrophes les plus extrêmes sur terre, sur mer, dans les airs et avec beaucoup de feu. Aucun élément (ni spectateur) ne sera épargné. Visuellement, on peut se réjouir de voir telle ville engloutie ou rasée, tel sauvetage in extremis, tel effondrement, tsunami, explosion. Oui. C'est vrai.
Pourtant, il y a deux énormes problèmes. 1) Les personnages principaux sont caricaturaux, peu crédibles dans leurs actions, miraculés permanents, dégoulinants de bon sentiments, et extrêmement mal interprétés. Le plus convaincant dans son rôle est le petit chien, c'est dire.
2) Surtout, et enfin : il n'y a pas de juron en Elfique, Entique ou autre langage des Hommes pour qualifier l'ignoble ramassis de stupidités géologiques/scientifiques/architecturales/tout qui parsèment 2012, film catastrophe à côté duquel Armageddon pourrait (presque) passer pour un documentaire produit par Ciel et Espace ! J'ai l'habitude de dire que je n'ai jamais rien vu d'aussi con, mais cette fois, c'est presque vrai. Lorsqu'il s'agit du registre comique (comme la fissure dans le supermarché), pourquoi pas. Mais le reste laisse sans voix. Florilège non exhaustif :
(Attention mini-spoilers)
- la limousine qui slalome entre les failles, voitures, immeubles effondrés, égouts, ponts, rails, véhicules. Ah ah. Perso, je cale en effleurant le bord d'un trottoir.
- Les rues de Los Angeles qui s'effondrent (question : dans quel vide ?)
- Les immeubles qui tombent de façon oblique :D
- La ville qui se noie dans l'océan (qui lui ne bouge pas : c'est pas juste ça !!)
- La fuite du Yellowstone en camping-car (épique) (pour mémoire : une nuée ardente, surtout celle-là, devrait aller à 600 km/h).
- L'électricité qui fonctionne encore dans les villes dévastées.
- La Basilique Saint-Pierre de Rome qui roule. Oui, qui roule.
- Le Tibet déplacé de 2000 km vers l'est, mais sans un tremblement sur place. Ah bon.
- Le Tsunami de 1500 m de haut (c'est haut) qui atteint presque le sommet de l'Everst (8848 m). Ok, on se fout de notre gueule. Donc le Tibet s'est aussi déplacé de 6 km vers le bas, toujours sans trembler.
- Les arches avec de grandes fenêtres.
- Des caméras de qualité dans chaque recoin des sous-sols de l'arche, pile ce qu'il faut pour suivre de près les héros.
- Une dernière pour la route : les gros malins de dirigeants qui ont choisi, en prévision d'un drame tectonique, d'installer les arches destinées à sauver l'humanité dans l'Himalaya. C'est à dire à la jonction très active de deux plaques. Ils auraient aussi pu choisir l'Indonésie ou le Japon, histoire de tenter le diable. Franchement, il existe de vastes plaques tectoniques stables, avec des zones d'altitude : la plaque africaine, par exemple, qui d'ailleurs est indemne à la fin du film. En résumé, les politiques et les scientifiques sont non seulement des vendus aux super riches, mais ils sont en plus tragiquement incompétents.
Bref, rien ne va. A revoir d'urgence pour s'agacer devant son écran !