Si j'avais d'abord fait une halte devant le très bon Nos Années Sauvages, j'avais fait également un détour devant In The Mood for Love et si j'y étais pourtant là, j'avais la terrible impression d'être passé à côté, comme si j'avais raté la correspondance d'une gare à une autre. C'est donc avec appréhension que j'ai entamé mon long trajet pour 2046, réputé destination sans retour. La voie ferrée était toute tracée, les rails parfaitement droits se prolongeant jusqu'au lointain sans en voir la fin. Aussitôt le train commença à se prendre de vitesse aussi j'eus le sentiment d'un "déjà vu", presque comme un souvenir daté. Simultanément, une musique se mis à être joué dans mon compartiment, une mélodie qui rappellait vaguement le "Yumeji's Theme" de In The Mood for Love. Comme si cette même mélodie qui va et vient tout le long du trajet s'était diluéé, déformée dans le temps pour ne devenir qu'un souvenir imprecis, faisant écho et formant le "2046 Theme". Puis cette musique me renvoya à une personne du nom de Chow, une personne que j'avais déjà rencontré mais qui cette fois semblait avoir évolué, changé. Si j'avais souvenir d'une personne plutôt réservée, timide en proie d'un amour impossible, j'étais face cette fois à un homme dont les flirt se succéder au rythme des jours, donnant l'impression d'un homme cherchant à se mentir à soi-même, essayant d'oublier le passé. Mais dans le train de 2046 un jour ou l'autre le passé refait surface, non pas sans un brin de nostalgie, à la manière de Su Li-zhen qui refait surface pendant l'espace de quelques instants. Et alors que je me perdait dans mes souvenirs je fus brusquement ramené à la banquette de mon compartiment quand une androïde du nom de Lulu m'a interrompu, dès l'instant je me rendis compte de l'environnement où j'étais, un environnement rempli de néon, des couloirs géométriques où chaque endroit semblait tout droit sorti d'une très belle peinture parfois abstraite. Mon regard se reporta sur Lulu si belle mais si factice, et pourtant je crois que j'eus directement un faible pour elle. Durant le reste de ce long trajet je ne pouvais détacher les pensées d'elles jusqu'à me rendre à l'évidence qu'un amour pour une androïde n'est que perdu d'avance. Je préférais écarter tout espoir plutôt que de me retrouver à l'image d'un Chow hanté sans cesse par le souvenir de la magnifique Maggie Cheung. Je n'ai pas souvenir d'avoir un jour atteint véritablement 2046, je me souviens juste que le voyage paru sans fin. D'après mes souvenirs je pourrais résumer mon voyage pour 2046 à cela : un voyage où les pensées sont tournées à la fois dans le passé, le présent et le futur, dans un endroit puis dans un autre.