La perfection est monstruosité.
Ce qu'on peut reprocher à 2046, c'est d'abord sa BO. Beaucoup de critiques font mention, à juste titre, du suresthétisme de ce film, qui aurait facilement pu être contrebalancé par une musique moins figée. Certes, les classiques choisis sont indiscutablement magnifiques, mais quand on joue sur une image, un cadrage, une lumière et des acteurs parfaits, le spectateur finit par se sentir étouffé. Tant de beauté ne peut naître que d'un agglomérat d'artifices surpensés dans les moindres détails.
Voilà pour la forme.
En ce qui concerne le fond... Il n'y a que deux façons d'aborder des sujets réflexifs, profonds, cryptiques :
1) A travers un bon vieux film d'action ou d'intrigue : les héros réfléchissent pour vous et une semaine après, vous vous dites "Ah ouais quand même ! Y a une vraie remise en question là !". Mais là ça se passe à grand renfort d'explosions et autres effets visuels "gros sabots".
2) Le film à "échelle humaine", esthétique pauvre mais développement long (et souvent lent), peu d'actions, mais une véritable méditation.
Eh bien le souci avec 2046, c'est que son réalisateur a refusé de faire ce choix décisif. Du coup on a ni envie de se concentrer sur les jolies images (la beauté du film est tellement linéaire, constante, que ce serait même périlleux de s'y essayer), ni sur les pensées profondes du chintok à moustache, dont je n'ai pas vraiment compris le discours.
Néanmoins, j'aurais peut-être mis 8/10 au film, s'il n'y avait pas eu autant de monologues en japonais. La communication dans le métrage est déjà assez compliquée en elle-même, sans qu'on inflige un quart d'heure de konichiwa. Ce passage dans le train m'a donné envie d'hurler :
"Pourquoi il rentre de 2046 ?! MAIS PARCE QU'ON S'Y FAIT CHIER !". Et effectivement, à ce moment-là, c'était mon sentiment à propos de 2046...
Quant aux points positifs, il y en a 2.
1) WKW parvient à nous rendre charmant un incommensurable connard, doublé d'un asiat, et moustachu de surcroît ! Avec, en bonus, de la gomina plein le scalp.
2) J'ai bien aimé la confrontation du passé et du futur. C'est beau de réécrire un futur dans le passé, à l'aune de notre présent, de nos possibilités technologiques (de représentation) et de notre vision de l'avenir. C'est aussi un peu invraisemblable. Le "héros" dans l'époque où il vit, ne peut pas imaginer 2046... C'est donc implicitement, une réflexion sur l'écriture et sur la temporalité des sociétés et des Hommes. Il y avait aussi une thématique de la mémoire, des souvenirs, mais trop de contradictions pour que je la juge intéressante.
En bref :
J'aurais aimé recommandé ce film mais je n'en ai pas envie.