Capables du pire (« Voyage aux Pyrénées »), comme du meilleur (« Peindre ou faire l’amour ») les frères Larrieu survolent depuis quelques années déjà un paysage cinématographique français avec une certaine bonhommie et un esprit libre. Leurs films, dont les sujets sont toujours atypiques, parfois mystérieux, souvent grivois qui font la part belle aux comédiens, sont tout aussi étonnants que détonants.
Abandonnant la face obscure et sombre du monde de leurs deux derniers opus (dont le très bon « Les derniers jours du monde »), ils nous reviennent avec un film aussi aérien que réjouissant, dont ils ont puisé la source auprès de Pattie, une jeune femme rencontrée dans ce petit village, véritable maitre queue de l’érotisme brut, ne pouvant que flatter leur esprit épicurien. Car pour les frères Larrieu, le sexe, celui dont on parle, car ici aucune scène n’est graveleuse ou directement pornographique, est avant tout une réflexion qui se porte sur l’autre, et de manière très générale, un mécanisme de vie. Il est souvent le révélateur secret d’une personnalité.
Le scénario construit donc ici sur ce fondement, est particulièrement jubilatoire et foncièrement adroit. Le désir, avoué, coupable ou assumé, anime tous les personnages, dont les sens parlent à leurs cœurs. Ce même désir symbolisé par la présence fantomatique de Zaza, la mère, véritable incarnation de la déesse Hécate (protectrice de la fertilité et passeuse d’âme) dont l’emprise sur chaque protagoniste révèle envies ou frustrations. Souvent crus et triviaux, les dialogues ne sont jamais pour autant vulgaires. C’est l’esprit libertin qui prédomine sur le film, les frères Larrieu marchent sur les traces d’un Restif de La Bretonne.
Cette belle composition presque littéraire, serait un peu vaine sans la présence des comédiens. Et le casting est irréprochable. Karin Viard qui tournait en rond depuis quelques temps, nous offre l’une de ses plus délirantes prestations, le naturel déconcertant avec lequel elle annonce ses exploits est hilarant d’autant plus qu’elle affiche une certaine retenue de jeu crédibilisant son rôle. Carré se défend bien face à elle, Dussolier est comme toujours excellent, Lavant hurluberluesque, Ritmanic solaire et
Lopez (même si le rôle est court) ingénieux. On ne peut oublier non plus Poitrenaux et Rebbot tout aussi bons.
« 21 nuits avec Pattie » est comme un beau film de vacances, où l’on serait convié à y passer un séjour ou détente, bonne humeur et fantaisie viennent rafraichir l’esprit empesé de notre noirceur quotidienne. C’est aussi un peu la pensée facétieuse des deux frères qui veut cela du reste. Leurs films si personnels (le lieu de tournage ici leur est très proche) sont généreux, ils aiment à partager leur vision hédonique de la vie, et s’ils ne réussissent pas toujours à atteindre ce niveau d’intelligence, ils savent quand même nous embarquer avec fascination ou délectation dans leur fantasque univers.