Alors qu’avec L’amour est un crime parfait, le roman noir et les neiges obscures avaient révélé de nouvelles facettes des frères Larrieu, 21 nuits avec Pattie les voit revenir à un cinéma plus familier : retour au soleil et à l’hédonisme, dans une enclave naturelle et estivale où les hommes vivent au gré des jours, des nuits chaudes et de l’excitation provoquée par un orage.
Tout respire le cinéma français tel qu’il peut souvent irriter : dialogues à rallonge, leçons de vie vaguement décalées par des hippies sur le tard, citations littéraires à gogo, de Le Clézio à Baudelaire, et casting inébranlable.
La grande différence tient dans l’alchimie que parvient à générer le film, tout d’abord grâce à ses comédiens, tous aussi excellents qu’excentriques. Dussollier à lui seul (comme dans Belles Familles, la même année, qu’il parvenait à tirer du marasme) vaut le détour en pseudo sosie d’auteur nobélisé, invité dans une communauté où la nymphomanie le dispute au libertinage. Le personnage principal, Isabelle Carré, a tout de la jeune (mais quadra) citadine coincée candidate involontaire au plaisir par l’entremise de la mort d’une mère inconnue qui va générer de joyeuses et insolites funérailles. Son initiatrice, en la personne de Karine Viard, règne en Bacchus solaire sur cet univers retiré. La comédienne, décidemment impériale, prend autant de plaisir avec tous les hommes des environs qu’à raconter dans le menu détails ses aventures : c’est frais, cru, délicieusement choquant. Quant à Denis Lavant en satyre priapique, sa prestation est évidemment un sommet.
Se greffe sur ce monde qui se suffit à lui seul une intrigue pour le moins improbable à grand renfort d’enlèvement de cadavres et de nécrophilie : l’amour et la mort s’entremêlent dans la jouissance, les fantômes dansent sur des tables et l’éveil au sens passe bien évidemment par l’acceptation de la corruptibilité des chairs.
Petit miracle discret, 21 nuits avec Pattie doit autant à ses personnages que son cadre, admirablement rendus par une photographie solaire, des intérieurs obscurs à une nature féconde, berceau de torrents pour ondines ou de racines moussues et luxuriantes. La musique de Nicolas Repac souligne admirablement cet équilibre presque miraculeux entre la légèreté assumée et la profondeur des sens.
La parenthèse enchantée, réponse au sexe et à la mort pour un retour au foyer régénéré : ce thème fécond illustrait déjà le grand film français de 2015, Comme un avion. Dégagés de leur époque, à l’écart des villes, les auteurs de l’hexagone semblent encore avoir de bien belles choses à donner à voir.