Je crois que j'ai rarement été autant dupé par un film que devant 24 city. Je savais juste que ça allait parler d'une cité ouvrière transformée en appartements de luxe et qu'on allait suivre des personnages qui vivent cette transformation... Un peu la routine du cinéma de Jia Zhangke, à savoir la Chine en mutation. Et là dès les premières minutes le style documentaire s'impose, de longs plans fixes sur des anciens ouvriers qui témoignent, qui racontent leur vie à l'usine, comment ils sont arrivés là...
Chaque plan est réellement magnifique et Jia Zhangke sait prendre son temps avec chaque personnage pour que son histoire puisse nous toucher... Bref, un documentaire tout à fait sympathique sur un sujet passionnant... jusqu'à une quinzaine de minutes avant la fin du film où ma compagne reconnaît Zhao Tao (en vrai jamais de la vie je l'aurais reconnue) et là le film prend une toute autre dimension. Ce qui était au départ un simple documentaire devient finalement un objet beaucoup plus difficile à cerner puisqu'on se retrouve avec des séquences qui ne peuvent être que de la fiction...
Et donc là la question s'est immédiatement posée : quelles autres parties sont également tournées avec des acteurs ?
Voire même : n'y a-t-il que de la fiction dans le film ?
Bon visiblement certains entretiens sont réels et d'autres sont fictifs...
Et là je me dis que ne pas avoir reconnu Joan Chen (alors que le personnage dit clairement lui ressembler) ou Zhao Tao aurait pu me faire passer à côté de toute une dimension métafilmique. Mais en même temps, le témoignage dans lequel j'étais le moins investi émotionnellement était celui de Zhao Tao puisque je savais qu'il était faux, alors qu'elle m'émeut dans tous les autres films de Jia Zhangke... C'est comme si avoir cru au documentaire pendant une bonne partie du film, m'empêchait de m'investir dans ce qui était de manière plus évidente de la fiction.
Je me sens trahis, mais en même temps c'est quand même fort de réussir à filmer Joan Chen parler de ses mecs passés avec qui ça n'a pas marché de manière aussi mélancolique et émouvante, sans qu'à une seul moment je ne puisse me douter qu'il s'agit là d'une partie fictive.
Donc je suis un peu partagé sur le procédé, parce que tant que je l'ignorais et que je croyais au documentaire il était plus facile d'être ému par le film et dès que j'ai compris (bon on m'a aidé) la supercherie c'est la réflexion qui a pris le dessus.
En tous cas 24 city est formellement à un film sublime, qu'est-ce-que ça fait plaisir d'écouter des gens parler dans un cadre aussi soigné ! Et le choix du docufiction (?) est pour le moins intriguant, mais pas inintéressant dans sa manière de raconter une histoire fictive dans un décor aussi réel que possible. Parce que finalement tout l'aspect documentaire ne fait pas renforcer la crédibilité de tout le film.