« 24h à New York » ou « Mutt » de son titre original, est sorti l’été 2023 en salles mais est passé assez inaperçu car il fut très peu diffusé en France. Pourtant, je trouve intéressant de pouvoir en parler et d’essayer de donner un peu plus de visibilité méritée pour ce film qui aborde la transidentité avec beaucoup de pédagogie. Celui-ci dure 1h20, pendant lesquelles on suit le personnage de Feña, un jeune homme trans vivant à New York et interprété par l’acteur trans Lio Mehiel. Au cours d’une journée, il va devoir affronter le retour de son ex petit ami, sa demi-sœur de 13 ans et son père chilien : des proches qu’il n’a pas vus depuis des années et qui n’ont pas connu sa transition. Ainsi, il va vivre 24h pleines de galères et dans un quotidien pas toujours facile et rempli de transphobie . Le film traite ainsi de la réalité de la vie des personne trans, où l’on est témoin aussi bien des problèmes administratifs que des réactions et questions indiscrètes posées, concernant toujours une remise en question du genre de Feña.
C’est le premier film de Vuk Lungulov-Klotz, un réalisateur américain de 28 ans, qui à travers son œuvre retrace son parcours d’homme trans. Ce long métrage est donc très personnel pour le réalisateur, qui déclare que pour lui le plus important était de rendre cette histoire accessible à toustes, y compris aux personnes non-trans. C’est ce qui fait la particularité du film puisqu’il se construit au fil des rencontres de Feña avec ses proches. Ainsi, les rapports que son personnage entretient avec eux sont très intéressants car ils permettent d'avoir le point de vue de chacun, montrant toute la complexité que le protagoniste peut vivre face aux regards des autres. Au début dans l’incompréhension et le jugement parfois violent qui passe par le rejet, ils vont apprendre de diverses manières à connaître Feña et à accepter sa transition. De plus, les relations entre les personnages sont toujours particulièrement touchantes et pertinentes, en permettant d’aborder diverses thématiques, telle la sexualité d’une personne trans et comment ce désir est représenté, un regard encore trop peu exploité au cinéma de nos jours. Mais on nous montre également les relations conflictuelles qu’il peut y avoir entre enfants et parents, qui peuvent aussi se heurter à des cultures différentes, souvent dans une grande incompréhension mais abordé avec beaucoup d’humanité, puisque l’inquiétude du père de Feña est aussi beaucoup mise en avant.
Le film témoigne également d’une grande adelphité , car Feña va devoir faire face à l’arrivée de sa sœur qu’il n’a pas vue depuis des années. Malgré une incompréhension au début de celle-ci, elle va apprendre à le connaître et leur rencontre va tisser un véritable lien. Leur adelphité finit par tout surpasser et peu importe l’identité de genre de Feña, iels parviennent à trouver dans leur relation un grand soutien afin de traverser différentes épreuves.
Ce récit bouleversant est accompagné d’une photographie marquante, au format carré et accompagnée d’une lumière toujours très douce. Cela met en valeur les personnages et donne également l’impression que le regard posé sur eux est particulièrement tendre et à leur écoute. Ainsi, dès le début la réalisation et sa mise en scène, souvent minimaliste mais terriblement efficace, nous frappent : chaque plan est d'une telle beauté qu'on est très vite saisi et on ne peut plus détourner le regard. Les nombreux effets de surcadrage sont d’ailleurs particulièrement intéressants car ils traduisent beaucoup de l'état psychologique des personnages, en donnant l'impression au spectateur de les épier et d'entraver leur intimité. On sent que chacun a un désir de liberté et de plus d'espace pour s'exprimer et vivre comme il le souhaiterait, c'est un sentiment fort qui très vite fait la force du récit.
Ce film traite ainsi de la transidentité avec beaucoup de justesse car on est témoin d’un parcours réaliste d’un homme trans, qui n’est ni enjolivé ni trop dramatique, puisqu’on nous montre aussi le bonheur que ressent Feña d'être dans le corps qu'il souhaite et de pouvoir être libre et en accord avec lui-même. Une œuvre accessible à toustes et qui fait beaucoup de bien par sa représentation qui ouvre la voie à un cinéma plus diversifié !