Soudain le vide
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2551.02 nous reprend là où le premier film nous avait laissé, dans ce monde caverneux où le peuple vit de mendicité, de vol et de troc, où chaque visage est masqué comme pour cacher les retombées d’une apocalypse muette. L’homme-singe, désormais libéré des sadiques laborantins, déambule dans cet enfer labyrinthique à la recherche de l’enfant qui lui a été enlevé. Mais bien loin de ce lumpenproletariat généralisé, il sera amené dans les sous-sols de ce monde où les élites partouzardes côtoient les esprits les plus détraqués.
Car le moins que l’on puisse dire, c’est que l’orgie des damnés porte bien son nom : jeux sexuels à base de fœtus, femme-tronc bâillonnée et squelette baisé en levrette, Norbert Pfaffenbichler s’affranchit de toute barrière morale pour nous offrir un spectacle déviant et jouissif. Les corps sont tordus, ouverts pour être mieux pénétrés, infestés d’insectes… Chaque pratique porte les traces d’un désir insatiable devenu incontrôlable, perverti par l’effondrement des civilisations. Les visages étant couverts par des masques, seuls les grognements hargneux des convives démontrent une quelconque satisfaction sexuelle.
Ce deuxième film se veut donc plus pervers et viscéral, mais également bien plus généreux dans sa mise en scène. Si l’univers fantasmagorique en noir et blanc teinté de 2551.01 rappelait déjà l’expressionnisme allemand, 2551.02 renoue avec l’esprit d’expérimentation de cette tradition tout en la dynamitant à base de stop-motion, filtres déformants et flashs stroboscopique. On retrouve encore une fois des ruptures de ton comiques dont le dispositif simpliste rappelle les premiers gags muets, agrémentées cette fois-ci de références explicites à Blue Velvet ou Orange Mécanique. On reconnaît bien la patte cinéphile de Norbert Pfaffenbichler, dont la pratique expérimentale est tournée vers le found-footage.
Mais quand bien même cette perspective est réjouissante, il ne faudrait pas résumer cette future trilogie à une simple modernisation de l’expressionnisme allemand. La scène où l’homme-singe couche avec la femme qu’il poursuit crystallise à elle seule l’éventail d’émotions complexes éprouvées pendant le visionnage : l’harmonie formés par ces deux corps forme une parenthèse enchantée aussi touchante que sensuelle. Les yeux cachés derrière les masques laissent alors apparaître une profonde mélancolie que rien ne pourra apaiser. 2551.02 fascine d’abord pour sa perversité, puis parce qu’il embrasse les doux paradoxes du cinéma déviant. Pour peu que l’on supporte la vision d’un gland rongé par des vers, on peut s’y plonger à bras le corps.
Créée
le 9 sept. 2023
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