Il y a quelques années, Saint Laurent se payait les marches du Festival de Cannes en co-produisant Lux Æterna de Gaspar Noé, coquille vide qui permettait néanmoins à la marque de s’offrir un joli coup de projecteur. La formule paraît toute trouvée : le moyen-métrage étant difficile à distribuer, seule une structure financièrement stable peut se permettre de sortir un tel format en salle et, d’une pierre deux coups, infiltrer la sélection d’un grand festival à moindre coût. Les cinéastes, eux, peuvent profiter de cette opportunité pour expérimenter. C’est donc en toute logique que Saint Laurent a créé une société de production, dont le premier film n’est autre que Strange Way of Life du prestigieux (et queer !) Pedro Almodóvar, présenté en séance spéciale à Cannes cette année.
L’introduction nous met face à un mille-feuille d’informations qui nous sont transmises avec une certaine lourdeur : les dialogues sur-explicatifs posent le rythme d’un film qui ne respire jamais, rattrapant sa courte durée par de l’exposition mal digérée. Si le récit a un aspect loufoque, les blagues tombent à l’eau car elles peinent à s’immiscer dans ces montagnes de texte. Toute cette agitation est d’autant plus vaine que la mise en scène s’avère terriblement plate : la sensualité de ces retrouvailles se voit résumée à un panoramique descendant vers un cul ou, encore pire, à un traveling mettant en avant le cul découvert de Pedro Pascal, source de plaisirs nocturnes. On pourrait également citer la scène de bagarre où, comme dans un film de super-héros, on abuse des coupes et de la shaky-cam pour donner un sentiment de tension. Tout le reste n’est que champs/contrechamps banals pour couvrir des conflits éculés. La coupure nette vers le générique après une réplique terriblement niaise sonne comme une ultime provocation, et une preuve supplémentaire d’un ancrage bâtard entre le sérieux et la parodie.
Si le film est franchement raté, tentons néanmoins de conclure sur une note optimiste. Passées ces trente minutes laborieuses, un regard reste en tête : celui de Pedro Pascal, tiraillé entre son devoir de père et sa lucidité quant à la brutalité de son fils. En étant correctement développé, ce conflit pourrait justifier un film à lui seul et donner une belle modernité à un genre poussiéreux. Si l’on part du principe que le médiocre Lux Æterna a engendré le génial Vortex, espérons que Strange Way of Life soit la première pierre d’un véritable western à la Almodóvar.
Site d'origine : Ciné-vrai