C'est le deuxième documentaire consacré au cinéma pour Victor Bonnefoy, cette fois accompagné à la réalisation de son collègue Thomas Combret, et pas des moindres : il s'agit de nous faire la rétrospective de près d'un an de salles de cinéma fermées en France à travers les témoignages de nombreux intervenants qui bossent dans le milieu.
La réalisation est plus sobre que le documentaire précédent du même réalisateur, moins typée "vidéo YouTube" aussi. Le montage a une certaine fluidité qui fait qu'on enchaîne les témoignages sans s'ennuyer. Après du côté de l'image, le film est si bavard qu'on peut se demander si ça aurait pu simplement passer en tant que gros podcast audio.
Bien que je ne souhaite pas du tout défoncer le film parce que les intentions derrière le projet sont largement louables et que le résultat est très loin d'être irregardable, il n'est pas dénué de défauts et gardez bien à l'esprit que tout ce que je vais énumérer là c'est plus pour être constructif qu'autre chose, sinon j'aurais descendu le film avec ma note.
Déjà c'est un parti pris mais bon c'est le côté égocentrique de Victor qui s'exprime : se filmer dans une salle de cinéma en train de regarder des extraits de CNews, des César ou du JT de TF1 n'apporte rien. Je comprends qu'esthétiquement c'est un peu plus classe que d'enchaîner des passages de chaîne d'infos en continu entre les témoignages des différents intervenants, mais en dehors de ça quel intérêt ? Je veux dire, que Bertrand Tavernier se filme face caméra pour parler de films français qu'il adore entre deux extraits de films, pourquoi pas, mais là je ne pense pas qu'il était vital qu'on voit le réalisateur face caméra, surtout que ces passages n'enrichissent pas le propos du film.
Maintenant parlons du propos du film parce que là encore il y a un hic, mais c'est inhérent aux travaux de Victor Bonnefoy, le fait de poser une question sans y répondre vraiment, un manque de point de vue. Là encore c'est un parti pris, et je trouve ça mieux géré que dans le documentaire Genre c'est du cinéma puisqu'ici on a pas des interrogations en l'air qui font que le spectateur va se dire "Ça fait réfléchir" une fois le long-métrage terminé, mais à la place on a une collection de témoignages de gens qui bossent dans le milieu du cinéma et vont parfois se contredire entre eux. D'ailleurs le documentaire nous habitue tellement à cette pluralité d'opinions que dès que tout le monde se rejoint plus ou moins sur un même sujet (le piratage par exemple), j'avais envie de voir un contradicteur débarquer. Un peu comme dans A Day in the Life of America de Jared Leto, comme on empile les témoignages les uns sur les autres, à la fin on obtient quelque chose de plutôt factuel, mais on a pas le vrai point de vue du réalisateur sur le sujet traité, ça ne transparait pas et ça me perturbe toujours un peu quand je regarde un documentaire.
D'ailleurs certaines interventions sont bien salées, Bachelot en prend plein la tronche, Jonathan Barré m'a beaucoup surpris par rapport à la façon dont il parle de Netflix, on évoque le piratage mais aussi le milieu de la distribution. Tout cela est fondamentalement passionnant, mais les propos sont dilués dans un documentaire qui ne respecte pas forcément l'ordre chronologique des événements et ça donne un côté fouillis à l'ensemble. On passe d'un sujet à un autre parfois sans transition particulière et j'aurais du mal à expliquer comment le documentaire a été construit. Au début je pensais que c'était plutôt linéaire puisqu'on part du début de l'année 2020, puis on parle du deuxième confinement très vite après le premier, avant qu'un intervenant n'évoque la première réouverture de l'an dernier...
Ce n'est clairement pas un film parfait, mais il a été réalisé rapidement et pour la bonne cause. Le fait de laisser beaucoup de place aux intervenants permet aussi au film d'être un témoignage de ce moment précis qu'on a vécu l'année dernière, mais du côté de l'industrie cinématographique en France. Et rien que pour ça, ça vaut le détour.