Sommes nous tous le capitaine du Costa Concordia?
Une jeune femme est sauvagement assassinée de plusieurs coups de couteau dans une rue du Havre. Les voisins dormaient; ils n'ont rien entendu. A moins...qu'ils n'aient rien voulu entendre. Pierre fait partie des 38 personnes présentent cette nuit là. Il a tout vu, il n'a rien fait. Sa femme rentre de voyage. Elle le questionne. Officiellement, il n'était pas là, il est rentré tard. Mais sa culpabilité le rattrape. Il l'évite un temps, refusant de parler à la police ou aux journalistes. Mais il ne peut échapper à sa propre conscience. Il avoue à sa femme sans que cela lui apporte un quelconque soulagement. Elle prend la parti de le comprendre alors qu'il préfèrerait être jugé, ou plutôt justement condamné. Car c'est le rôle de la justice: reconnaître une faute et prononcer une sanction, afin qu'ensuite, une fois sa peine exécutée, le condamné puisse recommencer.
De toute façon, le poids est trop lourd. Pierre se rend au poste de police et décrit la scène et sa propre lâcheté. Seul problème, 37 autres personnes étaient là ce soir là, comme lui. 37 témoins qui attestent n'avoir rien entendu...
La machine s'emballe: Qui a tort? Qui a raison? Quelle importance? A travers ce fait divers c'est une véritable analyse sociétale auquel se trouve confronté le spectateur. On en sort bousculé.
Certes le constat n'est pas nouveau: on ne saurait feindre d'apprendre que les gens sont indifférents et individualistes. Mais l'illustration est ici poussée à l'extrême, sans pour autant tombée dans l'exagération. Le film est d'ailleurs l'adaptation d'un roman inspirée d'une histoire vraie.
Dans notre société, on laisse les gens crever mais on apporte des fleurs sur leur tombe. On pleure avec les familles sur des vies que l'on a pas connu mais que l'on brûle de célébrer à postériori. Il y a une sorte de voyeurisme malsain de la part du « public ». Comme le dit la journaliste, le beau dans le drame doit toujours ressortir. Le témoignage de Pierre brise la belle mécanique. Et ce« fait divers classiques comme il s'en produit des dizaines chaque année » devient un drame d'une toute autre ampleur.
Face à cela, la justice se sent désarçonnée. Le ministère public représente les intérêts de la société, il n'agit pas contre elle. Or, comme le souligne le procureur de la république, « un témoin qui se tait c'est un lâche. 38 ça devient monsieur tout le monde. » Poursuivre 38 personnes pour non assistance à personne en danger n'aurait aucun sens. Ce ne serait plus un homme que l'on juge mais l'homme.
Faut-il pour autant protéger la société de ce qu'elle est? Confrontées à un acte barbare, 38 personnes restent sans réaction.
La lâcheté du témoin est d'autant plus blâmable, qu'il tente par tous les moyens d'y échapper.
Cela va du « J'étais crevée, j'avais mis des boules quies et pris des somnifères » au « je voulais intervenir mais, on m'a empêché d'y aller ». Il faut finalement une scène de reconstitution glaciale pour que chacun se rende compte de sa responsabilité, de sa culpabilité. On ne peut pas fuir indéfiniment sa conscience Par contre, on ne peut s'empêcher de se demander si, à leur place, on aurait agit pareil. C'est cette question que refuse de se poser la femme de Pierre. Elle préfère le fuir pour ne pas avoir un jour à se poser la question de savoir si, à sa place, elle aurait fait pareil...