Comme du guano de mouette dans le port du Havre.
L'histoire d'une nana qui se fait dézinguer dans la rue en poussant des hurlements de goret qu'on égorge, et tout le voisinage affirme n'avoir rien vu, rien entendu. Des milliards d'années d'enquête (au moins) et de petits dilemmes personnels avant qu'enfin l'affaire soit résolue. Mon dieu quelle horreur.
J'ai vu ce film il y a (calcul mental, ma kryptonite) trois ans (?), à la sortie d'une semaine de concours blancs (khâgne for ever), les méninges à plat, fatiguée, rendue un peu folle par 18 heures de dissertation, 8 heures de commentaire, 6 heures de version. Pour ne pas que le blâme jeté sur l'amie qui voulait voir ce film n'entache pour toujours la charmante image qu'elle a par ailleurs pour toujours dans mon cœur, je l'appellerai Pimprenelle (comme la plus chouette des fées dans la Belle aux bois dormant). Pimprenelle nous proposa donc une séance de fin d'après-midi, et, la volonté aussi pimpante que ma libido face à l'inspecteur Derrick, nous (un ami que nous appellerons ici Long John et moi-même) l'avons suivie.
Par où commencer ?
Quand on sait que le film est l'adaptation d'un roman qui situe son action à New-York dans les années 1960, sans même l'avoir lu, à quoi s'attend-on ? Une ambiance New-Yorkaise un peu sexy et un peu sale, des personnages charismatiques en proie à des débats poignants avec eux-mêmes et contre les autres, voire un enquêteur un peu sombre, misanthrope et cynique face à cette bande de témoins lâches pendant un bon bout du film ?
HAHAHA, grande naïve que je fus.
Bienvenue au PORT INDUSTRIEL DU HAVRE, dans les années 2000. Du brouillard, des mouettes, du béton, des gros cargos. Pierre Morvand (Yvan Attal) - on a dit CHARISMATIQUE, Liliane ! - réveillé en pleine nuit par les hurlements sous sa fenêtre, a d'abord la réaction de tous les gens du voisinage : il n'a rien vu, rien entendu, mais sa conscience le ronge – d'où son air de cocker neurasthénique pendant les trois quarts du film. Sa digne épouse, Louise (Sophie Quinton, fadasse), tente de comprendre à mainte reprises pourquoi son cher et tendre est devenu aussi insipide et mou du bulbe, ce qui donne naissance à des dialogues du type « Mais Pierre, regarde moi ! [silence] Pierre, regarde-moi [silence d'Yvan, consternation de Long John et moi-même], Pierre, parle-moi, je t'aime ! [mort cérébrale de Long John et moi-même] »
Bref, si je n'avais pas été assise entre Pimprenelle et Long John qui me coinçaient à ma place, je serais partie.
Ce qui fait que le dialogue entre Long John et moi se résumait à peu près à ça :
LJ: j'ai envie de mourir, ce film aspire mon âme.
B: Mais qu'ils sont MAUVAIS !
LJ : Je VEUX sortir d'ici.
B: Bon, à la prochaine réplique pourrie, je me barre.
LJ : zzzzzZZZZZZzzzzzzzzz
[20 minutes plus tard]
B: … Long John ?
LJ : hmm ? Quoi ? J'ai raté quelque chose ?
B: [intense réflexion]... euh... t'as vu le moment où il lui raconte ce qu'il a entendu pendant qu'elle dort ?
LJ : oui
B: … ben t'as rien raté.
LJ : attends, il se passe rien depuis 20 minutes ?
B: c'est ça.
LJ : je VEUX sortir d'ici.
Moralité: Je veux bien que le film pose une question intéressante, à savoir la propension quasi-grégaire à ne pas se mêler des affaires d'autrui au risque de la non-assistance à personne en danger... mais Lucas Belvaux me doit 1h44 de ma vie. Je me demande si l'écoute forcée d'une chanson de Francis Lalane par minute perdue suffirait à ma vengeance, mais ce plan manque cruellement de guêpes dans le slip à mon goût.