Troisième long-métrage écrit et réalisé par Martin McDonagh, ainsi que grand favori des cérémonies de l'an de grâce 2018, 3 Billboards... a pour point de départ un fait réel dont a été témoin le réalisateur avant même le début de sa carrière, aperçevant au cœur de l'Amérique profonde un panneau publicitaire sur lequel un honnête citoyen anonyme avait exprimé sa colère contre la police locale... Quinze ans plus tard naissent ces "panneaux de la vengeance", couplés à l'influence endeuillée du film favori de McDonagh, Don't Look Now de Nicholas Roeg (directement cité ici), où un couple essuie la disparition brutale de leur jeune fille.


3 Billboards... dresse avant tout le portrait d'une Amérique bouillonnante, obsédée depuis toujours par la justice œil pour œil. Mais ceci constamment sous le signe du décalage grinçant, ironie salvatrice qui rend le traditionnel récit du deuil, de la vendetta, de la rédemption, déjà vus mille fois, bien plus humain qu'on ne pourrait s'attendre. Le personnage principal de Matilda traverse toute cette représentation américaine : sa combinaison qu'elle porte tel une armure, semblable à la propagande emblématique "We can do it" ; son bandeau faisant directement référence à celui de Christopher Walken dans The Deer Hunter, chef d'oeuvre qui attisait les stigmates du pays ; ou encore sa démarche que l'actrice voulait similaire à celle de John Wayne, symbole étoilé d'une Amérique virile et conquérante... En ça, 3 Billboards... se révèle comme un véritable néo-western.


De façon encore plus prononcée que dans ses deux précédents films, l'écriture des personnages par McDonagh est aussi inattendue que savoureuse, portraits de protagonistes insaisissables toujours sur la frontière entre le Bien et le Mal, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Mildred, interprétée par une Frances McDormand magistrale, est la plus représentative de cette frontière, une femme en colère aux méthodes extrêmes qui, entre deux répliques cinglantes, retourne délicatement un insecte coincé sur son dos, sourie discrètement en voyant deux jeunes fricoter... Les personnages de Woody Harrelson et Sam Rockwell, aux performances toutes aussi fortes, réservent aussi quelques surprises dans leur traitement, explorant les limites du pathos que l'on peut avoir habituellement envers ce genre de caractérisation.


Cette galerie de gueules sont l'allégorie parfaite de 3 Billboards..., qui oscille sans relâche entre un humour cruel et une tendresse inopinée. McDonagh ne cherche jamais à caresser le spectateur dans le sens du poil, mettant en avant les failles de ses protagonistes, et ne cédant jamais à nous proposer les solutions les plus faciles. En témoigne la conclusion du film, fin ouverte au destin étouffé qui dresse jusqu'aux dernières secondes une mélancolie douce-amère, l'ultime déclaration d'amour du réalisateur pour les paumés. Malgré la noirceur, malgré les sourires et les larmes, son discours se veut finalement très tendre et optimiste.


Au détour d'une fulgurance en plan-séquence où le personnage de Sam Rockwell pète un câble mémorable, la mise en scène de McDonagh épouse plutôt une sobriété propre et louable, invoquant sans conteste le cinéma des frères Coen sans compter la présence à l'écran de Frances McDormand et la magnifique partition musicale de leur fidèle Carter Burwell. Mais on constatera rapidement que 3 Billboards... est tout autre, pas tant dans le cynisme que dans l'affection. Son auteur se confesse discrètement philanthrope, nous faisant passer d'une émotion à une autre en un claquement de doigt, parvenant dans tout l’exécrable de l'Amérique à trouver encore une once de foi en l'humanité.


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MaximeMichaut
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le 22 janv. 2018

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