Il est fort probable que le titre de ce film ne disait pas grand-chose à beaucoup d’entre nous avant sa petite razzia lors des Golden Globes 2018. Et il est d’autant plus probable que ce succès ait poussé un certain nombre d’entre nous à découvrir Three Billboards, les panneaux de la vengeance. Je mentirais d’ailleurs en affirmant le contraire. Celui qui se présente comme l’un des plus gros succès critiques de ce début d’année suscite la curiosité, et il fallait vite se rendre en salles pour prendre la température et tenter de s’immerger dans ce film qui fait déjà figure de favori aux Oscars.


Drame humain qui se base sur une vengeance et une injustice, Three Billboards, les panneaux de la vengeance ne prend pas exactement la voie indiquée par son titre français, mais plus celle de son titre original : Three Billboards outside Ebbing, Missouri. Les deux éléments majeurs du film y sont présents, d’un côté les panneaux, de l’autre cette petite bourgade de la campagne américaine où coexiste une palette très variée de personnages. Et, finalement, ces panneaux conçus et achetés par Mildred Hayes, mère de famille endeuillée par la mort brutale de sa fille, vont bouleverser le calme et l’ordre de cette petite ville pas si pacifique que cela.


Il ne s’agit pas pour Martin McDonagh de simplement créer un nouveau film sur la lenteur des procédures judiciaires et l’impuissance voire l’oisiveté des forces de l’ordre. Si ces éléments de discours sont bien présents dans Three Billboards, les panneaux de la vengeance, l’intérêt principal du film est de dépeindre une société américaine à la violence latente, malade, et, dans une échelle plus large, d’aller confronter les actes des individus à leur propre condition. Chaque personnage a ses propres souffrances, et chacun les refoule à sa manière. Mildred Hayes refoule la mort de sa fille en se créant une carapace et en étant une femme froide, piquante et taciturne. Le chef de la police, se sachant condamné par un cancer, joue parfois la carte de l’apitoiement, des fois celle de l’abandon, dans un curieux mélange associant sagesse et résignation. Enfin, Dixon, flic de second rang, refoule son incapacité à assumer son indépendance et sa fragilité en violentant des personnes plus faibles, notamment issues de minorités.


L’intérêt de développer des personnages sur de tels points faibles permet de leur allouer une complexité émotionnelle supérieure et de la profondeur. Si chacun a de mauvais aspects, chacun en a des bons. Malgré une opposition évidente entre Mildred Hayes et la police au début du film, il n’y a ni gentil ni méchant dans l’histoire, chacun est victime de son propre sort et l’exprime à travers une sorte de violence, qui atteint, pour chacun des trois, son paroxysme à un moment-clé du film. La situation finit même par être expliquée par l’un des personnages les moins crédibles pour le faire, source d’étonnement pour le spectateur, laquelle dit que la violence ne fait qu’entraîner la violence. Cette spirale infernale, débutée par les panneaux érigés à l’initiative de Mildred Hayes, déclenchera des catastrophes, et s’avère finalement être source d’une sorte de libération salvatrice, laissant entrevoir une lueur d’espoir.


Three Billboards, les panneaux de la vengeance est un véritable drame humain qui s’intéresse avant tout à ses personnages, en développant leurs différentes facettes pour éviter tout manichéisme et surtout retranscrire le plus fidèlement possible ce qui constitue un tableau de la société américaine actuelle. On retiendra, bien évidemment, la superbe prestation des acteurs principaux, celle de Frances McDormand, ainsi que de Woody Harrelson, mais, aussi et même surtout celle de Sam Rockwell, qui vole la vedette avec un personnage méprisable au premier abord, et bien plus torturé et même attachant au final. Rares sont les films aujourd’hui capables d’aussi bien travailler leurs personnages, évitant la plupart des pièges qui pouvaient se présenter sur son chemin. Three Billboards, les panneaux de la vengeance est sans conteste l’un des films à suivre et à découvrir en ce début d’année.

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le 23 janv. 2018

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