D'abord, essayer d'écrire quelques lignes sur "3 Billboards" sans se référer aux Coen Bros, malgré Frances McDormand, malgré la musique, malgré l'Amérique profonde et la violence sèche et sporadique. Parce que McDonagh joue dans une cour complètement différente, celle d'un cinéma commercial, excessivement "écrit", plus soucieux de ses effets sur son spectateur que de parler d'une réalité américaine, contemplée plutôt avec l'oeil goguenard du touriste, et bien loin du vertige métaphysique que provoquent les plus belles oeuvres des Frères Coen.
Malgré ces réserves de taille, "3 Billboards" s'avère un plaisir exquis, et est même finalement un vrai "bon film", en particulier grâce à une conclusion suspendue remarquable d'intelligence qui prouve bien que McDonagh le dramaturge sait ce qu'il écrit et ce qu'il filme. Le film est porté par son trio d'acteurs en état de grâce absolu, avec une mention particulière pour Sam Rockwell, parfait, bouleversant et hilarant à la foi : McDonagh tire véritablement le meilleur de ses acteurs, on le sait depuis "In Bruges", les utilisant avec une infinie subtilité pour peindre une humanité dans toutes les teintes de gris imaginables, et surtout faire constamment chavirer le point de vue que le spectateur pourrait avoir sur les personnages.
On peut regretter la quasi absence à l'ecran du "Mal", à peine figuré par le mystérieux voyageur venu de l'Idaho, car ce contrepoint à l'humanité débordante du film aurait certainement créé une profondeur qui manque à "3 Billboards", mais il est impossible de nier que, remarquablement construit, filmé et mis en scène, voici un film éblouissant, un immense plaisir en ce tout début d'année.
[Critique écrite en 2018]