Plus les années passent et les expériences se cumulent, et plus la question s’impose: doit-on préférer un mauvais film bourré de petits plaisirs ou un superbe film gâché par quelques menus défauts ? Il est d’autant plus délicat de trancher dans le vif d’un tel dilemme que très souvent, on a bien du mal à voir une œuvre pour ce qu’elle est vraiment.
La chose est semble-t-il particulièrement vraie pour ce 3 billboards, si on en juge par ce qui en a été dit et écrit ici et là. Certains voulaient y voir l’aspect révolutionnaire de l’accroche publicitaire (mais qui peut encore croire à ce genre de billevesées ?), quand d’autres n’ont pu s’empêcher de comparer le travail de McDonagh à celui des frères Coen, sous prétexte qu’une actrice et un thème étaient commun aux deux univers…. Soit.
Pourtant, il me semble que le cœur du film se situe sur un axe sensiblement décalé par rapports aux problématiques et au traitement habituel des films des glimmer twins. Par un délectable jeu de miroirs renversés (ou de balançoires asynchrones), la première confrontation entre la mère vengeresse et le flic attaqué pose les bases des faux semblants avec il lesquels il faudra composer jusqu’au bout: le personnage envers qui notre empathie pourra se fixer n’est pas forcément celui auquel on avait d’abord pensé en croyant comprendre le sujet du film.
La grande jouissance de la séance consistera donc à ne jamais savoir vers ou nous dirige le récit, bien au-delà de ses péripéties. Non parce qu’elles sont inintéressantes ou futiles (à l’incendie du commissariat près ?), mais bien parce que les acteurs du drame ne cessent d’évoluer au grès de leur succession. De faux pièges sont évités avec une vraie dose de roublardise tout à fait agréable, et l’indécision finale préserve habilement l’équilibre tendu de l’ensemble.
Au fond, le seul vrai reproche qui pourrait être formulé à l’égard de cette étude de mœurs en de nombreux points remarquable tient en un de ses personnages, pourtant assez superbement interprété par Sam Rockwell : Dixon force sans doute un poil trop le trait dans les deux facettes de son évolution. Un peu plus de finesse dans l’écriture de sa trajectoire aurait sans doute permis à celle de la cacahuète de terminer sa course dans la bouche du spectateur légèrement sur sa réserve.