C’est le titre d’un des films de Yvan Attal, le compagnon de Charlotte Gainsbourg et mettant en scène…Charlotte Gainsbourg.
Ce titre est approprié pour parler du dernier film de Benoît Jacquot, dans lequel joue une pléthore de très bons acteurs. Malgré un scénario mince, plat et quelquefois à la limite de la vraisemblance, ainsi qu’ une mise en scène sans éclat, « 3 cœurs » fonctionne essentiellement grâce aux acteurs, des comédiens très professionnels qui ont pu composer avec ces scories et proposer un film regardable.
Benoît Jacquot est un cinéaste prolifique, qui alterne des films de tous les genres, en costume ou plus « urbains » comme celui-ci, ainsi qu’il aime à le décrire.
Après « les adieux à la reine », un portrait de femme plutôt réussi et qui a eu un bel accueil et public et critique, Benoît Jacquot a souhaité s’attaquer à un film dont le héros serait un homme.
Cet homme, ce sera Marc, un inspecteur des impôts en déplacement en province, en pleine violente peine de cœur. Il rate son train du retour, et fait la connaissance d’une femme au regard sombre et vaguement mystérieuse. La rencontre est belle, ils ne se parlent pas beaucoup, mais le trouble est clairement palpable. Au bout d’une nuit blanche passée à déambuler dans la ville, ils se donnent rendez vous aux Tuileries à Paris, sans échanger ni prénoms ni numéros de téléphone.
Le rendez-vous sera manqué, Sylvie s’expatrie, et par un concours de circonstances comme seuls les scenarii de cinéma peuvent envisager, Marc rencontre à son tour la sœur de Sylvie, aussi fragile que cette dernière semble être forte.
Les trois cœurs sont ceux de ce triangle amoureux. Marc est joué par un Benoît Poelvoorde plutôt sobre qui fait vraiment ce qu’il peut pour donner de l’épaisseur de la crédibilité à ce personnage. Hélas, c’est difficile, tant le scenario est hérissé d’incohérences. Lorsqu’il ne s’aperçoit que dans le dernier quart du film que l’une est la sœur de l’autre. Lorsqu’à aucun moment, le réalisateur n’instille le doute quant à la sincérité de l’amour qu’il porte à sa femme : un amour passionnel, à tout le moins passionné, le couple passant le plus clair de son temps dans les bras l’un de l’autre, ce qui est contradictoire avec l’attitude de Marc dans la deuxième partie du film.
Sophie est incarnée par Chiara Mastroianni dont les grands yeux tristes et les manières douces et un peu lentes suffisent à lui conférer une sorte de bovarysme accentué par une niaiserie due à un scenario impitoyable.
Quant à Sylvie, c’est un personnage de femme au bord de l’hystérie, indécise, que fort heureusement le jeu de Charlotte Gainsbourg, tout en retenue , aide à sauver de la caricature.
Ces trois acteurs sont toujours dans la justesse, suppléant presque au manque d’imagination de Benoît Jacquot qui déroule une mise en scène plate et académique, au mauvais sens du terme. La présence de Catherine Deneuve, en mère nourricière et gardienne du bonheur familial vient compléter ce quatuor de très bons acteurs qui sont la preuve du rôle central qu’ils ont dans les films, ce que l’on a parfois tendance à oublier.
Présent à la projection, Benoît Jacquot explique qu’il voulait montrer le cœur à la fois comme un organe vital (une pathologie cardiaque pour l’un des personnages) et comme source d’élans poétiques et de sentiments amoureux (sic). On voit tout de suite le danger qui guette un tel projet, car la métaphore facile est tentante et à portée de main. Peine de cœur et pathologie cardiaque caractérisent en effet celui qui a « mal au cœur ». De fait, le film est un nid de métaphores faciles. Le mal de cœur, le soleil qui se lève sur un nouvel amour, l’orage qui tonne sur les amants, la musique qui surligne avec lourdeur, tout est à l’avenant.
En tant qu’inspecteur des impôts, Marc harcèle le maire de la ville pour des fraudes fiscales qu’il aurait débusquées. Ces scènes sont hors sujet et inutiles, car ne mènent nulle part.
Malgré tout, une chose est à sauver de ce quasi naufrage, et si on veut bien faire fi de tout ce qui est dit précédemment : la volonté affichée du cinéaste qui était de faire de cette histoire une sorte de thriller est assez respectée, le suspense étant maintenu jusqu’au bout, quant à l’issue de ce triangle amoureux. Vers la toute fin, il y a même un très beau plan sur Charlotte Gainsbourg qui à lui seul, justifie d’aller voir ce film. Hélas, la dernière séquence, complètement inutile et contre-productive elle aussi, vient ruiner cette embellie pour remettre le film là où il se complaît à être.
Nominé pour 3 prix à la Mostra de Venise de 2014, le film en est reparti bredouille…