(vous connaissez mon fâcheux penchant pour le jeu de mot facile en guise de titre. Il s'agissait ici de souligner une forme de solidarité féminine mise en exergue dans le film dont nous allons causer maintenant)

Qu'il est délicat d'exprimer ici toute l'affection que j'ai pour cette comédie douce-amère, sur un thème aussi peu sexy et aussi peu dans l'air du temps que peut être la relation de deux sexagénaires encore attachés (amoureux ?) l'un à l'autre mais tiraillés par ce qu'est la vie: ce qu'on devient, ce qu'on voudrait être ou paraitre, ce que l'on est dans l'oeil de l'autre.
Pour, au bout du compte, s'apercevoir, à travers cet autre, de ce que l'on est finalement réellement devenu.

Pour avoir parcouru ce que le net et les médias spécialisés proposent, je ne retrouve nulle trace de ce que j'ai ressenti pendant le film.

Comparer le travail de Julie Gavras à l'oeuvre de son (au combien) illustre père ou son (à quel point) turbulent frère est à la fois injuste et déplacé. Il est au contraire salutaire et bienvenu qu'une telle personnalité puisse s'exprimer en dehors de cette imposante figure tutélaire (j'en reviens au père).
Effectivement, la comédie légère et intime n'est pas le genre le plus facile pour imposer un (pré)nom.
Le sillon, élégamment tracé par l'inaugural et réussi "la faute à Fidel" est ici brillamment poursuivi.

Regretter les faiblesses supposées de l'écriture du scénario me semble également simpliste, sous prétexte que les auteurs (Julie Gavras, et Olivier Dazat) n'ont pas l'âge des protagonistes. Simpliste comme l'époque: curieuse idée que celle qui veut qu'il faut appartenir à une catégorie quelconque pour pouvoir parler en son nom.

Ces réserves écartées, que reste-t-il ? Qu'est-ce qui justifie mon inclinaison viscérale pour ce film ?

D'abord et avant tout toute la tendresse qu'a Julie Gavras pour les deux personnages principaux. Cette tendresse transpire à travers chaque instant du film, déborde de chaque plan, et cela à chaque étape du récit. Qu'importent les débordements, les écarts de conduite (où en tout cas vécus comme tel par l'entourage proche) de l'un ou l'autre, on ressent intuitivement ce qui pousse Adam ou Mary vers l'inhabituel, le non conforme. La crise de la quarantaine est un thème familier. Celui de la soixantaine constitue pour le coup une vraie nouveauté.

Réduire le charme de "late bloomers" au talent de ses acteurs principaux est un leurre. Certes, Isabella Rossellini est étonnante parce qu'excellente, c'est vrai William Hurt est toujours aussi présent et charismatique. Il faut par conséquent souligner la maturité de la réalisatrice dans la direction d'acteur. A ce titre les seconds rôles, parfois eux aussi décriés, sont, à mon sens, tout aussi judicieux et constituent une vraie réussite, à tout point de vue: écriture, casting, ou jeu.
A l'image de Doreen Mantle, superbe dans le rôle d'une Grand-Mamy Nora lucide, coupante et drôlatique, ou d'une Joanna Lumley sublimissime.

Au final, une comédie tendre, sincère, drôle et touchante.
Pendant que madame, forcément plus lucide, voit et ressent les effets du temps qui est passé et tente maladroitement de convaincre son mari de l'inutilité de lutter contre ses effets ou de se cacher les choses, lui, au contraire, pense juste à simplement continuer à vivre sans s'imposer de changement ou d'adaptation, ayant même besoin de se prouver qu'il peut toujours faire ce qui lui a permis de se sentir vivant autrefois.
Aucune des deux démarches n'est mauvaise, aucune des deux n'est non plus meilleure que l'autre. Nous suivons donc la période de flottement entre ces deux êtres, avant un éventuel ajustement auquel leurs enfants vont tenter maladroitement de contribuer.
Si on reste parfois en équilibre sur le fil ténu d'une chronique fragile (d'où l'évidence de certaines critiques), cela ne fait que renforcer le côté attachant d'un tel moment.
On ressort de cette séance avec la sensation étrange d'avoir un peu pénétré l'intimité de ses propres parents (au sens large du terme) et de s'en sentir plus proches.

Nous aimons ou détestons chaque film pour des raisons souvent assez personnelles (une sensation, une scène, un thème, une ambiance, que sais-je ?) et parons cet élan instinctif de beaucoup de mots et autant de justifications.
Que ce deuxième long-métrage de fiction de la carrière de Julie Gavras ait déplu à un aréopage de critiques, peut-être menacés par la force de l'âge, parce que tendant peut-être trop ostensiblement un miroir déplaisant, où qu'il n'ait pas "parlé" à une cohorte de jeunes adultes non concernés par un sujet trop loin d'eux, m'importe finalement peu.

Entre deux âges, j'ai pleinement apprécié ce film qui fraye pourtant vers des rivages assez peu habituels pour moi.
Ce qui renforce un sentiment d'attachante réussite.
guyness

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