Portrait craché d'une famille modèle
Quand l'annonce de This is 40 s'est faite entendre, j'ai un peu flippé au début. Faire une sorte de suite, un spin off en fait, d'un de ses films? Après tout Get him to the Greek est meilleur que Forgetting Sarah marshal... Et puis j'aime bien Paul Rudd alors pourquoi pas finalement? La seule question qui restait en suspend : à part la présence de Jason Segel, y aura-t-il des liens avec Knocked up? En d'autres termes, est-ce que Seth Rogen et Katherine Heigl feront une apparition? Et ben non ! C'est dommage parce qu'un mot aurait suffit à nous dire si ce couple avait tenu ou pas. Arrivé à la fin du film, une autre question m'est passée par la tête : y aura-t-il un spin off de ce spin off? J'imaginerais très bien que Judd revienne dans 7 ans nous parler des ado par le biais de ses filles. Ouais, ce serait un concept intéressant à creuser, dommage que Judd semble s'être trompé en m'écrivant son adresse mail (pourtant j'ai essayé avec des "." ou des "-" à différents endroits...)
This is fourty m'a fait rire. C'est une très bonne comédie, pleine de gags de situation hilarants. J'ai quand même eu peur au début ; en effet on sent trop les impro à chaque plan au début et on se dit que ça ne peut pas prendre. Je me souviens avoir zappé vite fait au milieu du film pour voir si ça bugait pas et là aussi j'étais tombé sur un moment où l'impro bouffe toute la narration. Mais finalement, une fois le film lancé, une fois qu'on s'adapte au rythme, ça passe très bien, ça ne gêne pas au contraire ; sans ces impro, ce film serait vachement moins joyeux.
En ce qui concerne l'histoire en elle-même, je suis déçu que bien des intrigues passent à la trappe. En fait... absolument rien n'est résolu. Judd tente de nous raconter la vie, de dire que rien n'est jamais résolu définitivement. Merci, c'est sympa, mais là c'est un film qu'on regarde.... d'où mes interrogations sur une éventuelle suite ou un autre spin off qui permettrait d'avancer un peu. Le film se tient malgrè tout, en faisant croire à une résolution plus ou moins définitive, un retour à la normale (le couple se rabiboche, les pères sont pardonnés, les filles ont fait la paix), mais le nombre de résolutions durant le film fait bien comprendre que tout cela n'est que éphémère.
Ce qui amène au sujet du film, aux messages balancés. Apatow nous montre une famille qui vit assez mal la crise. Habitués à gagner plein de fric, le couple ne parvient pas à diminuer les dépenses excessives du quotidien. Même lorsqu'ils savent pertinemment qu'ils vont devoir vendre leur maison au bout du compte. Le fait que ce soit mis de côté à la fin est révélateur de notre société de consommation, et ce peu importe que ç'ait été conscient ou inconscient de la part de l'auteur. De même, tout au long du film, que voit-on? des gens égoïstes. Personne ne fait jamais attention à l'autre, et finalement personne ne fait d'effort pour changer ou pour réellement pardonner. C'est un portrait très pessimiste à la fois de la famille mais aussi de l'américain moyen, engouffré dans son individualisme propre, fermé à toute réelle communication avec les autres. La seule communication qu'il reste, d'ailleurs, c'est l'internet, les Ipod, les Ipad, le Wi-Fi, ... et tout dégénère quand les parents rompent ce faible lien qui sera rétabli à la fin pour que les choses rentrent dans le cours normal. C'est triste. Car c'est comme si c'était trop tard qu'il n'y avait plus de solution. Même en ce qui concerne ce bébé, nous revenons ici au discours terriblement pessimiste de Knocked up : les personnages ne s'imaginent même pas avoir le choix de pouvoir avorter. Le héros le dit : s'il avait eu le choix de faire ou non un bébé, il aurait refusé, mis maintenant qu'elle est enceinte, c'est trop tard... Alors peut être que Apatow est un gros conservateur. Ou peut-être qu'il est un grand philosophe qui se propose de nous montrer un miroir de notre société. Dans tous les cas il nous montre des personnages tellement fermés, tellement bouffés par la société capitaliste que c'en est terriblement triste. Alors parvenir à contraster avec des blagues pipi caca, j'appelle ça du génie. Tout simplement.
Maintenant, pour aborder vite fait la forme, Judd se contente de poser sa caméra et de laisser les dialogues faire le reste. Parfois un gag demande un plan particulier pour décupler son efficacité, ce qu'il fait intelligemment. On peut tout de même féliciter le monteur qui parvient à ne pas trop nous perdre durant les scènes où beaucoup de personnages parlent. Sur ce point, ça m'a rappelé ce très bon film de Ron Howard avec Steve Martin "Portrait craché d'une famille modèle" (et sur bien d'autres au niveau du scénario aussi d'ailleurs). Question musique je me suis aperçu qu'il y en avait presque tout le temps... mais ça ne gêne pas. C'est une sorte de bruit sonore léger qui me renforce dans mes interprétations farfelues pré-citées. Les acteurs sont bons. Même les Apatowettes, je commence à m'y faire (quoique la cadette joue encore très mal). Et puis Judd gère toujours très bien la quantité d'impro. Sur certains plans on sent bien que le réal a pu tricher au niveau du son, histoire de tester différentes blagues (je pense à la scène d'essayage, où toutes les blagues de Leslie sont dites alors qu'elle nous tourne le dos...).
Bref, This is fourty est une comédie douce amère comme Judd en fait si bien ; peut-être est-ce un peu long, peut-être que ça manque de réelle résolution (pas forcément positive), mais en tous cas, je reste fan de cet auteur.