La propagande au service des patrons.
1941 ! C’est la guerre ! Mais pas pour tout le monde, du moins, pas encore. Les États-Unis ne sont alors pas engagés dans la Seconde Guerre Mondiale. En parallèle, l’industrie cinématographique britannique met sa puissance médiatique au service de la nation et des Alliés à travers ce que l’on peut qualifier de cinéma de propagande. Car oui, le cinéma de propagande ne se résume pas forcément à des errances cinématographiques douteuses au service de méchantes dictatures (vous savez, là où les gens ont des chapeaux gris et des bottes à fermeture éclair). Des cinéastes tels Leni Riefenstahl et son Triomphe de la Volonté auront prouvé les immenses qualités artistiques et techniques qu’on peut déceler dans ce cinéma de propagande. Michael Powell et Emeric Pressburger, alors flèches montantes du cinéma britannique, exploitent leur savoir-faire dans un cinéma au service des Alliés à travers 49ème Parallèle. A nouveau, un exemple parfait qui confirme que ce cinéma n’est pas à oublier sous prétexte de son engagement.
Situant leur intrigue dans les terres du Nouveau Monde, plus précisément au Canada (alors en guerre), où ont débarqué les quelques rescapés d’un U-Boot allemand, Powell & Pressburger voient ici un moyen de confronter éventuellement les voisins américains à leurs responsabilités vis-à-vis du Vieux Continent. Choc des cultures, bien évidemment : on retrouve d’un côté les diverses populations du Canada confrontées, de l’autre côté, à des germains endoctrinés au possible. Néanmoins, afin d’équilibrer le récit, un personnage allemand fait la différence par rapport à ses collègues et succombe à l’esprit de liberté et de tolérance qui règne dans ce pays.
Si l’on n’évite pas certains clichés, finalement excusable compte-tenu du contexte de production, les personnages créent un déroulement fluide de l’histoire, finalement pas si improbable. De rencontres en rencontres avec les autochtones du Canada, nous nous prêtons finalement au jeu et espérons à la fois la survie de ces soldats allemands perdus à l’autre bout du monde autant que leur reconversion, bien qu’utopique pour la plupart. C’est là toute la puissance cinématographique du film : faire croire le spectateur en ces idéaux de liberté, éculés comme jamais, auxquels néanmoins on s’attache avec naïveté, même 70 ans plus tard.
Si ce résultat est possible, c’est probablement car le duo de réalisateurs maîtrise comme jamais les outils qui sont à leur disposition, empêchant le spectateur de buter sur des détails ou des lourdeurs qui auraient plombé d’autres films à la forme moins soignée. Tout s’enchaîne, aucun temps mort. A noter par ailleurs, que pour assurer la fluidité du récit, on retrouve un certain David Lean au montage (et également Freddie Young à la photographie, son futur chef-opérateur). Un Grand formé à l’école des Grands, ma foi, ceci explique cela.
Ce qu’on pourrait par ailleurs retenir de 49ème Parallèle, c’est sa modernité. Évidemment, c’est à nuancer compte tenu des remarques faites plus haut, mais on ne peut tout de même que saluer l’équilibre du récit que même des films post-Seconde Guerre Mondiale n’ont pas pu obtenir. Outre son engagement, l’intérêt du métrage est bel et bien toujours présent, puisqu’il en reste un film de guerre, si ce n’est d’aventures, maîtrisé de bout en bout, avec toute l’élégance du cinéma britannique.
Critique (et mini test DVD/Blu-ray) sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/flashback-49eme-parallele-de-michael-powell-emeric-pressburger-1941