Il y a celle qui vit à la campagne et celle qui vient de la ville. Celle qui s'habille comme une godiche et celle qui se sape branchouille. Celle qui exprime un ardent désir de pureté, et celle qui s'adapte à la réalité. Celle qui transpose ses désirs enfouis sans filtre en peintures, et celle qui réfléchit et étudie. Celle qui explique qu'elle n'aime pas parler et celle qui parle pour expliquer ce qu'elle fait. Il y a celle qui est naïve et celle qui est cynique. Leurs représentations du monde et des humains se heurtent parfois. Tantôt l'une veut la justice et l'autre la vérité, et elles ne se comprennent pas. L'une pleure et l'autre rigole. Elles sont aussi belles que drôles.
Elles vivent des situations banales, affreusement banales – de l'argent dû à un garçon de café, un larcin dérobé à une voleuse aguerrie, une mendiante affabulatrice prise la main dans le sac, un pari absurde qui fait obstacle à la négociation d'une transaction vitale à la survie de leur colocation... De ces événements d'apparence anodines (voire superficielles comme souvent chez Rohmer qui cultive l'art du symbolisme cinématographique faussement naïf), surgissent des conflits, des dilemmes éthiques dignes des débats moralistes du XVIIIe siècle.
Maestria de la mise en scène dans un décor mi-chic mi-documentaire baignant dans le Paris de 1987... Splendeur de la réalisation, surtout dans la première partie qui offre l'occasion à Rohmer de filmer la campagne et de témoigner d'un amour de la nature iconoclaste, pour ne pas dire à l'opposé de la doxa écologique moderne - « c'est nous qui avons besoin de la nature, pas l'inverse ! » fait-il dire à Reinette, faisant découvrir sa ruralité à Mirabelle avec un enthousiasme volontairement surjoué.