Voilà un film qui ne s'embarrasse pas d'artifice et qui va droit au but. L'écriture est précise et simple. Elle va à l'essentiel. La technique est minimaliste pour laisser juste la place à l'histoire. La reconstitution de l'ère Ceausescu est parfaite même si elle est discrète, les décors, les costumes, la photo sont sobres. L'absence de musique, que l'on remarque au début, accentue encore plus ce sentiment d'épure et contribue aussi fortement à l'ambiance déjà bien lourde de par le propos.

Mais tout, cela ne serait rien sans la mise en scène implacable de Cristian Mungiu. Caméra à l'épaule, il suit Otilia comme son ombre pour nous faire vivre les quelques heures hors du temps où elle va tout faire pour aider son amie. L'espace de deux heures nous sommes Otilia : il arrive à nous faire ressentir ses peurs, ses angoisses, ses pensées, aussi bien que les nôtres. Voilà une formidable performance que de mettre le spectateur dans la peau du personnage aussi profondément. Rapidement l'avortement lui-même devient presque anecdotique et l'on s'intéresse plus au cheminement et au devenir de l'amie aidante qu'à la jeune fille enceinte. Pour cela la jeune actrice roumaine est d'un naturel confondant. Elle est formidable et porte tout le film sur ses épaules. Rarement un actrice aura fait passer un sentiment de détresse contenu aussi bien. Le prix d'interprétation féminine n'était sans doute pas loin à Cannes. Elle occulte du même coup les autres acteurs tant son interprétation est inspirée et réaliste. Une grande actrice est née et gageons qu'on la retrouvera très vite dans d'autres grands rôles.

D'une histoire simple, un fait divers banal mais ô combien dangereux dans une Roumanie en attente de liberté, le cinéaste a su crée un film sombre, poignant, dur ou la détresse des personnages est palpable à chaque plan. Trois grandes scènes résument parfaitement ce sentiment : la négociation dans la chambre d'hôtel, où le dialogue est très dur à vivre alors que la scène suivante est censée l'être bien plus, le dîner d'anniversaire où sans prononcer aucun mot Anamaria Marinca nous fait passer une foule de sentiments et d'émotions incroyables (une grande performance) et l'image finale entre les deux jeunes filles, où rien n'est prononcé mais où tout est dit .

Pour une fois voilà une palme d'or amplement méritée. Une mise en scène et un scénario sobres, intelligents, sans esbroufe associée à une interprétation de haute volée. Puissant et inoubliable.
ffred
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le 6 juin 2012

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ffred

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