Autant se le dire. Le conflit entre Irelande et Angleterre n'est qu'un prétexte.
Prétexte à une immersion totale et concise, d'autant plus brutale.
La mise en scène de Yann Demange, qui signe ici un premier film remarquable, marque d'abord par sa vitalité quasi documentaire qui plonge le spectateur en lieu inconnu et le laisse se perdre, comme son personnage principal.
Si l'intrigue principale a parfois un peu de mal à progresser, malgré des personnages secondaires très travaillés mais peu crédibles parfois, on peut qu'être littéralement assommé par cette mise en scène magistrale qui fait de cette nuit un moment d'horreur et de tension stimulant.
Que ce soit la géniale scène qui lance enfin le film, celle où, avec un sens du stress totalement maîtrisé, foule et soldats s'affrontent. La mise en tension progressive est difficilement soutenable et l'explosion de violence ne baisse en rien la tension puisqu'elle est au contraire son point de départ.
Le style numérique, froid et moderne qui accentue la violence et apporte un réalisme certain, parvient à faire oublier une économie de moyens qui rend parfois l'ensemble un peu bancal
Une course poursuite hallucinante dans les ruelles et jardins achève 20 minutes de tension et laisse souffler un peu. Passé de mains en mains, désorienté, perdu dans un labyrinthe de briques irlandaises, le héros est aussi perdu que le spectateur, qui devient en quelques sortes son compagnon d'infortune.
Certes le film, on l'a dit, n'est pas exempt de défauts, notamment son principal qui consiste en une tendance ennuyeuse à étirer inutilement des scènes, comme pour remplir un vide scénaristique.
Mais passe, car pour un premier film c'est d'une maîtrise vivace et d'une prouesse remarquable.