Rarement un film aura arboré un titre aussi programmatique que 71 Fragments d'une Chronologie du Hasard. Troisième volet d'une trilogie s'interrogeant sur la Nature des images et leurs dangers intrinsèques le film de Michael Haneke remet totalement en question notre condition de spectateur, se frayant un chemin hors des sentiers battus, en marge d'un système prônant le productible et le consommable tout en brouillant l'esprit critique et la lucidité.
Fortement orientés vers un Art préférant les questionnements aux réponses à l'emporte-pièce ces 71 fragments constituent une sorte d'étrange film-puzzle, duquel chaque bribe donne à voir un aspect du réel filmé. Souvent rébarbatif compte tenu de sa narration délibérément exempte de fil conducteur clairement déterminé, toujours exigeant tout en suscitant un certain étonnement ( au sens philosophique du terme ) cet objet peut être vu comme un tronçon de cinéma élégamment évolutif, étrangement musical dans son rythme et sa construction...
Que peut-on voir dans cette oeuvre rêche, froide et totalement originale ? Comme souvent dans le cinéma de Haneke on remarque à maintes reprises un poste de télévision proférant des informations contradictoires, mais aussi un jeune réfugié d'Europe de l'Est chapardant et vivant de ses larcins, une famille bourgeoise désireuse d'adopter une fillette ou encore un étudiant s'adonnant à quelques expériences ludiques. Sur le mode aléatoire explicité par le titre de son film Michael Haneke rend son regard pratiquement horizontal, égalitaire, à la limite de l'inconfortable pour l'audience sollicitée. 71 Fragments d'une Chronologie du Hasard reste en fin de compte une proposition de Cinéma d'une belle modernité, à la fois proche du microcosme autrichien capté par le réalisateur et d'une représentation davantage intemporelle et universelle de son propos. Je recommande.