En plein confinement, la France est en ébullition face à un film sorti l'année dernière en Turquie et qui a fraîchement débarqué sur Netflix. Comme c'est turc et que le seul film turc que j'ai vu c'est Mustang, je me dis "Chouette, c'est peut-être super et ça te fera voir un film turc". Et puis... Je me dis que ce qu'il y a dans le top 10 de Netflix en général, c'est pas terrible. En plus c'est le remake d'un film coréen, c'est comme si sur Netflix au Portugal par exemple, The Dinner buzzait alors que ça a l'air vraiment mauvais comparé au film original (et je n'aime pas du tout Le dîner de cons...) et que du coup, ce serait peut-être plus légitime de porter un buzz positif autour du film original, pas du remake étranger.
Bon, tentons quand même, on va peut-être se laisser emporter par le film après tout. C'est très important d'avoir en tête avant de voir un film étranger que la perception du grandiose, du ridicule ou de ce qui est émouvant est aussi lié à la culture du pays, et que c'est entre autres pour cette raison que les films indiens par exemple ne sortent pas en salles chez nous. Ca n'empêche pas les très bons films indiens d'exister, mais la plupart des films indiens ne correspondant pas à notre culture, ils ne se font pas une place importante dans le paysage cinématographique français.
7 Kogustaki Mucize, c'est un film avec de bons acteurs, et filmé proprement. Montrer la présence militaire dans pas mal de plans, c'est plutôt bien aussi, ça pousse le spectateur à se renseigner un peu sur le contexte historique, ce qui ne fait pas de mal parfois.
Le problème, c'est que c'est aussi un film qui va miser énormément sur des artifices pour émouvoir le spectateur.
La musique est à la fois omniprésente et larmoyante, il y a des ralentis toutes les 5 minutes, des fondus au noir, des flashbacks un peu kitsch (avec l'arbre) mais en soi j'aime bien la façon dont ils sont esthétisés, ça change de ce qu'on a l'habitude de voir avec le cinéma hollywoodien par exemple.
Et tout ça, ça fait beaucoup trop. Le film ne fait jamais dans la subtilité, alors que l'histoire est bonne et que les acteurs sont talentueux. Je suis presque convaincu qu'un remontage habile du film sans musique donnerait à la fois quelque chose de plus rythmé mais aussi de plus émouvant, car ça reposerait uniquement sur la performance des acteurs. Franchement le même film sans ces artifices grossiers, je suis sûr que je lui aurais mis deux points de plus.
Voir des éléments scénaristiques venir à des kilomètres en soi ce n'est pas une tare, le problème c'est quand on n'est même pas surpris par la façon dont ces éléments sont mis en scène et qu'on trouve la mise en scène indigeste.
La première scène avec une femme en robe de mariée et aux yeux verts qui entend à la télé que la peine de mort est abolie en Turquie, bah je suis désolé, mais en connaissant le résumé du film et juste avec la couleur des yeux de la nana (bien appuyés en plus par la photographie), on grille à l'avance que c'est Ova, et qu'elle tient un objet qui aura une importance vers la fin du film. On sait déjà qu'elle a été concernée indirectement par la peine de mort et que la nouvelle de son abolition la bouleverse car elle repense à quelqu'un qui est mort injustement. Ce sont des règles élémentaires de cinéma, appliquées de façon très élémentaire pour le coup.
Encore une fois je peux me laisser emporter par un film malgré des artifices cinématographiques de ce type-là, mais il y a un quota à ne pas dépasser pour me laisser l'impression que le film ne me prend pas pour un idiot.
Le cinéma filme l'invisible, pas les téléfilms. Hélas, 7 Kogustaki Mucize est plus proche d'un téléfilm car l'invisible, à savoir l'émotion que pourraient dégager cette histoire et les acteurs, est complètement siphonnée par des artifices de réalisation usés jusqu'à la moelle. C'est juste une question de dosage et je trouve ça triste que les gens se fassent aussi facilement avoir.
Si pour vous c'est le film le plus émouvant que vous avez vu de votre vie, voyez Mustang, ou au moins regardez d'autres trucs que La ligne verte et Les évadés, mais en vrai regardez Mustang. Ça reste un film turc et je trouve que c'est beaucoup plus fort et subtil que ce film-là en termes d'émotions.