Un certain philosophe que je ne nommerai pas s’est illustré en son temps par son obsession à analyser les comportements humains au travers du filtre de leurs pulsions sexuelles. Dominantes et incontrôlables, celles-ci ont de fourbes qu’elles s’en prennent insidieusement à notre faible inconscient, nous amenant à agir en leur nom sans pour autant l’assumer.
L’Art, fenêtre ouverte sur l’inconscient de son créateur, n’échappe pas à la règle et se veut le réceptacle idéal de tout fantasme ou frustration inavouable. Libérateur avouons-le.
On savait Greenaway amateur de nudité gratuite – au sens respectable du terme – et peu valorisante. Loin de maquiller la réalité, l’anglais se plait à exposer sans fard hommes, femmes, jeunes, vieux, bien portants et estropiés.
Choquant ?
Rarement. Au contraire, sans vêtements, ces braves gens n’en sont que plus attachants.
D’autant que la démarche est sincère et au service d’un récit.
8 ½ women annonce la couleur dès le titre.
Plus que jamais, sexualité et décadence seront les vedettes du film.
Saupoudrez d’une pincée de relation filiale ambiguë, un peu de lutte des classes et de choc des cultures, une légère touche d’exotisme.
Puis forniquez.
À l’image de ce vieillard déboussolé par la perte de sa femme, la majorité du film est affligeante. Mais touchante.
Les bonnes intentions du réalisateur sautent aux yeux. La recherche esthétique guide souvent ses choix scénaristiques. La volonté de transmettre un message fort, d’exorciser de vilains démons, d’explorer une sexualité divergente, fait le reste.
L’approche de Greenaway est particulièrement intéressante. Elle est une offrande au cinéphile, une porte ouverte à la réflexion. Le film pose énormément de questions, apporte peu de réponses. Très à l’aise, il se joue de son public, s’amuse de mises en abîmes – le film dans le film, la réalité dans la fiction – et de clins d’œil.
Il est amusant de constater la retenue du cinéaste, sa pudeur face à l’acte – toujours suggéré, jamais dévoilé – contrastant immanquablement avec la crudité des propos. Le philosophe se régalerait assurément de tels choix, disserterait de longues pages durant sur le sujet.
Mais, si passionnante pour le penseur que soit la démarche de Peter Greenaway, il lui manque le principal ingrédient d’une relation charnelle enivrante. La passion. Cette passion qui anime habituellement la filmographie du réalisateur est ici absente ou étouffée. A trop vouloir titiller le cerveau de son public, Greenaway a oublié de s’adresser à son cœur. Peu d’émotions filtrent, diluées dans un humour sympathique mais peu valorisant.
Où est passée la noire poésie du maître ?
Elle se faisait désirer, la garce.
Alors que tout espoir semblait perdu. Alors que l’ennui commence à poindre. Semblant renouer avec ses premiers amours, animé d’un sursaut de vie salvateur, Peter Greenaway nous offre un final digne de son rang, parfaitement dosé, poétique en diable, beau. Musique, ombres et lumières, couleurs, cadrage, une réussite absolue. Il était temps.